Le Temple Noir
grille et disparut. Antoine reconnut son visage.
Le père Roudil.
— C’est le prêtre de la basilique, ça alors, fit le gardien, intrigué.
— Vous le connaissiez ?
— Oui, un type sympa, on organisait des matchs de foot entre Juifs et cathos. Un vrai teigneux, insomniaque de surcroît. Il m’avait raconté que c’était à cause de l’adoration perpétuelle pratiquée dans sa basilique. J’arrête l’image ?
— Non. On continue.
Rien n’apparut à l’écran.
03 h 12. Les trois hommes apparurent à nouveau sur l’image, cette fois sans leurs combinaisons et leurs capuches.
— Ralentissez.
Les gestes se firent plus saccadés. L’un des trois mit le sac dans le coffre, les deux autres s’engouffrèrent dans le véhicule. Aucun des visages n’apparut distinctement. Marcas sentit le découragement le gagner. C’était raté, la seule description de la voiture ne suffirait pas, il devait y avoir des dizaines de milliers de breaks gris en circulation. S’il avait été croyant, il aurait imploré le ciel pour un miracle, juste un petit miracle. Le break bougea lentement ; le conducteur manœuvrait pour sortir de la place, on ne distinguait que de vagues profils à l’intérieur du véhicule. Marcas se frotta les paupières, la vision prolongée de l’écran lui faisait mal aux yeux.
— Vous avez du bol, lança le gardien.
Antoine ouvrit les yeux. Le break était en train de faire un demi-tour sur place, quasiment face à la caméra. Progressivement, l’avant du véhicule se positionna face à eux. Marcas crispa ses ongles sur le bureau. On voyait le haut de la calandre et le capot. Il essaya de distinguer les visages derrière le pare-brise mais la lumière du réverbère formait un reflet nébuleux.
Il ne manquait plus que quelques centimètres pour dévoiler le bas du véhicule.
— On les a, cria le gardien en bloquant l’image.
L’écran se figea, un petit carré blanc apparut et grossit sous l’effet du zoom. Antoine se rua sur un stylo et nota le numéro à toute allure. Il se sentait à nouveau excité. Pourvu que la voiture ne soit pas volée.
— Vous pouvez continuer le défilement ?
Le break se contorsionna à nouveau, la lumière du réverbère glissa progressivement du pare-brise, dévoilant, avec lenteur, le visage de l’inconnu assis à côté du conducteur.
Antoine se raidit. Une onde glacée remonta le long de son échine.
— Zoomez !
Le gardien s’exécuta et jeta un œil de biais sur Marcas. Celui-ci restait figé. L’expression du regard, le dessin de la bouche, les sourcils finement arqués…
La Louve …
Devant lui, prête à bondir et à déchiqueter ses proies.
Il se cabra sur sa chaise. La tueuse était de retour.
Il serra les cuisses par réflexe. Des lambeaux de souffrance subsistaient encore dans sa chair.
Il était allongé, attaché, dans la chambre obscure, la Louve était assise sur le lit et faisait glisser ses ongles sur sa peau. Elle susurrait à son oreille, comme un serpent, tandis que sa main descendait entre ses cuisses. Elle jouait avec son désir naissant et soudain l’onde de plaisir se muait en souffrance infinie. Les ongles, telles des serres en acier, s’accrochaient à ses testicules et lui arrachaient des larmes et des hurlements. Il criait, et plus il criait plus elle s’enfonçait dans ses bourses. Et toujours les murmures à son oreille.
— Commissaire, ça ne va pas ?
Le gardien lui posa la main sur l’épaule. Antoine se ressaisit.
— Cette personne me rappelle de très mauvais souvenirs. Vous pouvez mailer la copie de cet enregistrement ?
— Pas de souci. C’est prêt dans dix minutes.
Marcas prit son portable et appela le service des immatriculations.
— Marcas, OCBC, je voudrais une identification d’urgence et un signalement national à tous les services.
— Pour l’identification, pas de problème, en revanche, commissaire, il nous faut une confirmation de votre échelon supérieur pour lancer une alerte sur tout le territoire.
— Vous l’aurez, via le DGPN . Ne vous en faites pas. Notez mon numéro qui s’affiche et contactez-moi dès que vous aurez quelque chose.
Il raccrocha et composa un autre numéro, celui de la cellule du fichier central. Le temps était compté, il devait faire identifier la photo de la Louve, contacter le frère obèse pour prendre de ses nouvelles et l’avertir de ses recherches. L’excitation de la chasse avait laissé place à une
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