Le Temple Noir
colère froide.
La présence de la Louve modifiait la donne, il n’avait pas soldé son compte avec la terroriste. La dernière fois qu’il l’avait vue c’était dans le souterrain, juste avant la découverte du tombeau, et voilà qu’elle réapparaissait comme par enchantement. Antoine se frotta les tempes. Il fallait faire le point et vite, et pour ça, il avait besoin d’être seul.
Après avoir remercié le gardien il retourna dans la rue, là où il avait laissé l’ambulance. Le père da Silva était assis sur une marche et fumait un cigarillo, avec nonchalance. Antoine s’approcha et prit place à côté de lui.
— Vous m’en offrez un ?
Le prêtre sourit et lui tendit une boîte métallique, frappée des trois clés de saint Pierre, les armes de son service. Antoine en sortit un petit cigare qu’il porta à sa bouche. Le père da Silva lui présenta un briquet mais Antoine secoua la tête.
— Non, c’est juste pour le garder entre les lèvres. Ça m’aide à me concentrer.
— C’est une blague ?
— Non. C’est comme une sucette sans les inconvénients pour les poumons. J’ai de bonnes et de mauvaises nouvelles. Je commence par quoi ?
— Les bonnes, bien sûr. Les mauvaises, vous m’en laisserez juge.
— Bien. Je vais vous la faire à la mode maçonnique, en trois points. Un, nous avons à disposition l’enregistrement caméra de nos tueurs. Deux, j’ai le numéro d’immatriculation de la voiture de notre trio. Trois, l’un des membres est identifié, c’est la Louve.
Da Silva ne broncha pas et tira une bouffée de son cigarillo.
— Félicitations, et les mauvaises…
— Toujours en trois points. Et celles-là découlent des précédentes. Un, cela veut dire que nous avons sûrement affaire au même commanditaire que la dernière fois. Deux, le père Hemler n’étant plus de ce monde, la piste doit remonter plus haut, au Saint-Siège. Trois, ma hiérarchie m’a déjà fait comprendre de ne pas mettre en péril nos relations avec votre État. La récupération du trésor passe avant toute considération et dans le même temps on me demande de mettre la main sur les tueurs.
— J’ai invoqué san Esteban, réputé pour débusquer les assassins et les voleurs. Que comptez-vous faire ?
— Là, maintenant ? Rentrer chez moi pour faire une pause, retrouver ma compagne et attendre l’identification de la plaque. Vous voulez venir prendre un verre, j’habite en bas du jardin.
Da Silva plissa les lèvres. Il hésita quelques secondes puis lâcha :
— Non, merci. Ne cherchez pas du côté du Saint-Siège, le fil dont vous m’aviez parlé est vraiment coupé. Ça ne vous mènera nulle part.
— Facile. Le ou les commanditaires de l’expédition nocturne qui a conduit à la mort du prêtre résident au Vatican sont les mêmes qui voulaient mettre la main sur le trésor. Le père Hemler n’était qu’un exécutant. Vous le savez fort bien. Je rédigerai mon rapport dans ce sens, mes supérieurs feront ce qu’ils veulent. Mes pouvoirs s’arrêtent là.
L’envoyé du Vatican jeta le bout de son cigarillo très loin. Son regard devint dur. Il se tourna vers Marcas.
— Vous êtes dans l’erreur, mon ami. Faites une prière à saint Victor, grand spécialiste de l’illumination spirituelle de l’homme égaré.
Marcas se releva et s’étira. Le ton sentencieux du prêtre l’irritait.
— Je ne suis pas croyant, votre saint ne m’est d’aucune utilité. Comme aucun d’eux n’a été d’un quelconque secours pour aider le curé de la basilique ni les pauvres enfants juifs qui ont eu la malchance d’habiter dans le coin il y a quelques décennies. Au plaisir de vous revoir un de ces jours, da Silva.
L’envoyé du Vatican se leva à son tour. Comme un félin, nota Marcas qui avait déjà remarqué l’agilité de ce prêtre quelque temps auparavant. Da Silva posa sa main sur son épaule. Son regard se fit pénétrant.
— Suivez-moi, nous retournons au Sacré-Cœur, au tombeau.
— Pourquoi ?
— Pour vous révéler un secret. Un secret d’État.
22
Jérusalem
Novembre 1232
Quartier de l’Arbre sec
La lourde cavalcade des chevaux lancés au galop fit trembler le pavé. Derrière les façades en encorbellement, les rares habitants encore éveillés mouchèrent leurs chandelles en frissonnant. Ce n’était pas le moment d’ouvrir un volet ou de passer une tête par la fenêtre. La justice des Francs était aussi
Weitere Kostenlose Bücher