Le Temple Noir
temps d’arrêt en découvrant Gabrielle.
Elle le dévisagea avec sympathie. Grand, mince, l’air têtu, les lèvres minces, tout le portrait d’Antoine jeune, sauf la blondeur de la chevelure, un front plus bombé et des yeux moins graves. Il était vêtu d’un jean gris sur lequel flottait une chemise informe à carreaux noirs et blancs, un sac sur l’épaule. L’air embarrassé, Marcas croisa les bras.
— Je fais les présentations. Mon fils Pierre, Gabrielle, une amie. Et vice versa.
Gabrielle lui jeta un regard froid et dit :
— Une amie, Antoine, tu as le sens de la précision. (Puis elle se tourna vers son fils et afficha un sourire instantané.) Je suis enchantée de te connaître, ton père est un petit cachottier.
— Un partout. Lui non plus ne m’a pas parlé de vous. C’est son côté franc-mac de vouloir tout cacher.
Pierre s’installa sur la chaise de Gabrielle. Antoine lui tendit un verre d’eau. L’adolescent le but d’une traite et le reposa sur la nappe.
— On mange quoi ?
Antoine se planta devant lui.
— Nous, des cailles, toi je ne sais pas.
— Je te casse ton coup ?
— Ne me parle pas comme ça.
Gabrielle secoua la tête et prit le bras d’Antoine.
— Allons, c’est une excellente idée de manger tous ensemble. J’ai deux Marcas pour moi toute seule. Quelle chance !
Pierre s’adressa à son père, sans regarder la jeune femme.
— Super. Elle a de l’humour. C’est pas comme l’autre. L’artiste ratée que tu avais rencontrée sur Meetic. Quelle tache !
Antoine leva les yeux au plafond. Gabrielle sourit.
— Vraiment ? J’espère que je m’en tirerai mieux.
— Je sais pas. Vous êtes plus âgée que les autres.
Gabrielle ne cilla pas et lui adressa son plus beau sourire.
— Charmant… Toi aussi tu fais plus jeune. C’est quoi, ton Pokemon favori ?
L’ado la dévisagea d’un air méfiant.
— J’ai passé l’âge de ces conneries. Mais celui que je préférais c’était Marcassetoidela.
— Pierre, ça suffit ! gronda Antoine.
— Et moi bellemerbaffe , rétorqua Gabrielle en lui servant une assiette avec une caille.
Ils s’affrontèrent du regard quelques secondes, puis elle éclata de rire.
— Il a du caractère, ce marcassin… Il tient ça de son père.
— Non. De ma mère. Toutes les qualités c’est elle. Pour le reste…
Antoine plissa les lèvres. Il avait remarqué que depuis un peu plus d’un an, son fils lui tenait tête de plus en plus souvent et prenait le parti de sa mère. Il le sentait plus distant avec lui, mais Antoine mettait ça sur le compte de l’adolescence.
— C’est de ça dont tu voulais me parler ?
— Non. J’ai oublié mes clés à la maison et maman a une soirée pour son boulot. Je me suis dit que je pouvais passer la nuit ici. Si ça ne dérange pas Mme Pokemon, bien sûr.
Antoine n’avait pas envie de lui tenir tête. Pas ce soir, surtout après l’altercation avec Gabrielle. Il abdiqua.
— OK. Laisse un message à ta mère. Ça vous dit un film sur le vidéoprojecteur ? J’ai jamais vu le Benjamin Gates que tu m’as offert pour mon anniversaire.
Son fils grimaça.
— Euh, c’était pour ta consommation personnelle. Le coup du trésor des Templiers et tes frangins américains, ça craint. T’as pas un Walking Dead ou un Trône de fer ?
— Un problème avec les Templiers et les francs-maçons ? lança Gabrielle.
— Les Templiers, c’est pour les bolos. Plus personne n’y croit à ces histoires, quant aux francs-macs, je trouve ça louche, dit-il en terminant sa caille à la vitesse de l’éclair.
Marcas débarrassa les assiettes et passa de l’autre côté de la cuisine américaine qui donnait sur le salon. Il haussa la voix.
— Et moi, j’ai l’air louche ?
Son fils le regarda d’un air méfiant.
— Sur le Net, ils disent que vous faites des combines, que vous trafiquez de l’argent avec les hommes politiques. Il y a même un blog anglais : Le Watcher , un site génial, qui révèle des tas de trucs sur les francs-maçons qui dominent les pays. Tu devrais jeter un œil.
Antoine leva les yeux au plafond. Son propre fils était accro aux sites conspirationnistes et fantasmait sur les maçons. Le comble. Il s’exclama :
— Avec plaisir, j’ai une tenue avec mes potes maîtres du monde jeudi soir prochain. On prévoit d’envahir la Belgique avec la complicité de nos frères wallons et de l’annexer. On a un
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