Le templier déchu
l’eau...
— Messire ! Madame !
La voix étouffée provenait du couloir. Dégrisé d’un coup, Alexandre se raidit. Pardieu, il fallait qu’ils soient dérangés à cet instant précis !
— Qu’y a-t-il ? aboya-t-il tout en s’efforçant de trouver une position plus confortable, ce qui n’était guère facile compte tenu de son érection persistante.
— Pardonnez-moi d’interrompre votre bain, messire, mais le premier des invités est sur le point d’arriver au château.
Déjà ? s’étonna-t-il avant qu’Annabelle, dont il avait reconnu la voix, précise :
— Il s’agit de lord Lennox, messire. Sans quoi je n’aurais jamais osé vous importuner.
Lennox ? Alexandre n’eut pas besoin de regarder Elizabeth pour deviner que cette nouvelle n’était pas la bienvenue. La dernière fois qu’elle avait eu affaire à lui, il assiégeait la forteresse. C’était cependant elle qui avait eu le dernier mot en le piégeant grâce à l’ingénieuse idée de la tranchée emplie de poix brûlante.
L’entrevue s’annonçait donc, au mieux, tendue, au pire hostile.
— Se présente-t-il en armes ou vient-il en paix ? demanda Alexandre à Annabelle.
— Il est à la tête d’une petite troupe d’hommes, mais aucun ne paraît harnaché pour la guerre, messire.
— Dans ce cas, nous allons l’accueillir dans la grande salle commune, intervint Elizabeth qui paraissait avoir recouvré ses esprits. Annabelle, va prévenir les domestiques, qu’ils se tiennent prêts à le recevoir. Et prie Aubert de veiller au bien-être du comte. Qu’on lui propose de quoi étancher sa soif en attendant notre arrivée.
La suivante acquiesça, puis le silence retomba. Alexandre surprit le regard d’Elizabeth posé sur lui alors qu’il poussait un soupir contrarié. Il ébaucha un sourire.
— Et voilà, la fête commence, semble-t-il, murmura-t-il. Il nous faut faire diligence.
Passant le bout de la langue sur ses lèvres, elle objecta :
— Certes, mais je devine que vous... vous n’êtes toujours pas satisfait.
Elle ne put s’empêcher de rougir d’une manière qu’il trouva absolument charmante. Avec un petit rire, il répondit :
— Vous devinez juste, mais il n’est plus temps de se tracasser de cela, ma douce. De toute évidence, les événements sont contre nous aujourd’hui.
— Nous avons encore le temps, si nous nous pressons...
L’idée était tentante et cependant, pour plusieurs raisons, dont les sentiments conflictuels qu’il éprouvait à son endroit n’étaient pas la moindre, il ne put se résoudre à accepter son offre, puis s’efforça de trouver une explication plausible à ce refus.
— Se presser n’était pas du tout ce que j’avais en tête, Beth. Je voulais au contraire prendre tout mon temps pour vous aimer. Vous le méritez, et c’est ainsi que je préfère que les choses se passent entre nous.
— Oh...
Les pommettes d’Elizabeth venaient de passer du rose à l’écarlate. Elle battit des cils, baissa les yeux, se rada la gorge avant de souffler :
— Eh bien, dans ce cas, il nous faudra attendre qu’une autre occasion se présente...
Lorsqu’elle releva enfin la tête, elle lui adressa un regard charmeur, et si confiant que cela lui tordit les entrailles.
— Oui, ce serait mieux, opina-t-il d’une voix enrouée.
Il lui caressa la joue, écarta une longue mèche blonde de son front. Comme elle faisait mine de sortir du bain, Alexandre posa la main sur son bras pour la retenir un instant. À présent qu’il avait les idées un peu plus claires, il tenait à s’assurer qu’elle était prête à affronter l’épreuve qui s’annonçait.
— Redoutez-vous la confrontation avec le comte de Lennox, Elizabeth ?
À la mention du nom détesté, elle se rembrunit et un éclair de colère passa dans ses yeux gris. Son animosité était si palpable qu’Alexandre songea brièvement que si elle avait été un homme, elle aurait fait un redoutable adversaire sur un champ de bataille.
— Non, répondit-elle sans hésiter. Au vu de ce qui s’est passé la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, la situation sera sans doute embarrassante... pour lui. Cela lui rappellera quelle folie c’était de sa part de penser pouvoir me soumettre à sa volonté ! Il se doute sûrement que j’ai conservé par-devers moi le parchemin sur lequel il a écrit en toutes lettres que vous étiez passé de vie à trépas, et vous voir bien vivant à mes côtés
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