Le templier déchu
sera non seulement une grande humiliation, mais fera de lui un fieffé imbécile. Je m’en réjouis d’avance !
Chaque phrase qu’elle prononçait était comme un coup de poignard pour Alexandre. Durant sa première semaine au château, Elizabeth lui avait montré ce fameux parchemin. À l’époque, il n’avait eu aucun mal à feindre de trouver drôle cette absurde affirmation. Aujourd’hui, cela lui était beaucoup plus difficile.
Ne se doutant pas du chemin qu’avaient pris ses pensées, Elizabeth lui sourit, mais son expression demeura froide lorsqu’elle ajouta :
— Oui, l’arrogant lord Lennox va sans doute passer la soirée à redouter que je ne le ridiculise devant les autres invités. Cela devrait suffire pour qu’il se tienne correctement, je pense.
Alexandre se décida à sourire.
— Auriez-vous l’esprit de revanche, mon épouse ?
— Possible. Vous seriez en tout cas avisé de vous en souvenir si jamais vous me donniez une raison de l’exercer contre vous, mon époux.
— Dieu m’en garde !
Il eut un petit rire forcé, lui effleura de nouveau la joue et murmura :
— N’ayez crainte, Elizabeth, jamais je n’oublierai quoi que ce soit vous concernant.
— C’est heureux, messire, car je suis également très têtue, répliqua-t-elle en sortant du baquet. Et votre récompense ne vous ayant pas été offerte en totalité, je vous promets qu’elle le sera dès que nous nous retrouverons en tête à tête. C’est-à-dire avant la fin de la nuit.
9
Le banquet avait commencé moins de trois heures plus tôt, mais Elizabeth avait déjà hâte qu’il se termine.
Les invités étaient pourtant d’agréable compagnie, la chère excellente, et les ménestrels et autres artistes chargés de divertir les convives fort talentueux. N’eût été la présence de lord Lennox, Elizabeth aurait certainement pris grand plaisir à cette fête. En outre, l’arrivée de ce dernier les avait interrompus Robert et elle, à un très mauvais moment, et elle en demeurait fort contrariée.
Robert devait l’être tout autant, si son intuition ne la trompait pas. Une énergie contenue semblait irradier de sa personne, donnant une puissance particulière à chacun de ses gestes, à chacune de ses paroles. Percevoir cette tension en lui ne faisait qu’accroître le désir d’Elizabeth.
L’attirance entre eux était si puissante que chaque fois que leurs regards se croisaient ou que leurs mains se frôlaient, elle croyait entendre des étincelles crépiter. C’était incroyable et cela rendait l’atmosphère plus érotique encore. Pourtant, l’un comme l’autre savaient qu’ils ne pourraient se retrouver seul à seul avant plusieurs heures au moins.
Un peu plus tôt, Elizabeth avait pris le temps d’échanger quelques mots avec chacun de ses invités. Déjà, deux douairières s’étaient retirées pour la nuit, fatiguées et guère désireuses de danser maintenant que le festin proprement dit était achevé.
En effet, comme le voulait la coutume, les tables sur tréteaux avaient été repoussées contre les murs. Le musicien attitré du château, Simon Elliott, ainsi que deux ménestrels engagés pour l’occasion, étaient à présent occupés à faire danser ceux qui souhaitaient se dégourdir les jambes sur une carole ou un rondeau.
Annabelle se pencha vers Elizabeth et lui souffla à l’oreille d’une voix frémissante :
— Madame, je vois lord Lennox qui s’approche ! Dois-je aller prévenir lord Marston ? Il se trouve du côté de la troupe de jongleurs.
Elizabeth hocha la tête avant de reporter son attention sur le comte qui, suivi de quelques hommes de sa garde personnelle, se dirigeait vers la table d’honneur.
Archibald Drummond, troisième comte de Lennox, n’était pas dépourvu de séduction. À trente-cinq ans, avec son large torse, ses yeux bleu pâle et ses cheveux blonds coupés court, il possédait une indéniable prestance.
Sa femme, une héritière d’Inverness de constitution fragile, était morte l’hiver passé d’une longue maladie qui l’avait empêchée de lui donner le robuste héritier mâle dont il avait besoin pour transmettre son titre et sa fortune. C’est pour cette raison principalement qu’à peine veuf, il s’était mis à guigner du côté de Dunleavy. Non seulement il voyait en Elizabeth une parfaite génitrice, mais s’il pouvait user de ses liens avec le roi d’Écosse, Robert Bruce, pour mettre la main sur une
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