Le templier déchu
désormais.
Elizabeth acquiesça d’un signe de tête. Alexandre quant à lui était anéanti.
— Bon sang, on peut dire que j’ai échoué de belle manière, marmonna-t-il en fourrageant dans ses cheveux. Cela n’aurait pu être pire ! Lucas n’épargnera pas Jean... il est peut-être déjà mort !
— Pour ce qui est de votre ami, je ne pense pas que le danger soit immédiat. Messire Stephen a trouvé la mort dans les bois, près de Dunleavy. À moins que quelqu’un ne l’ait suivi alors qu’il rentrait au château, personne n’est au courant de ce qui lui est arrivé.
— Vous en êtes sûre ?
— Oui. Selon les soldats, la lutte a eu lieu bien après le rendez-vous de messire Stephen avec messire Lucas, loin du campement des Anglais. Il n’y a donc aucune raison pour que ces derniers soupçonnent quoi que ce soit pour l’instant.
Tandis que la jeune femme lui expliquait la situation, Alexandre sentit le froid qui s’était insinué en lui refluer un peu. Jean était sans doute encore en vie. Et Elizabeth avait voulu le lui faire savoir... Oui, elle avait pris la peine de venir lui raconter l’affaire en détail afin de le tranquilliser.
Cela signifiait qu’elle tenait encore à lui.
Cette pensée lui donna le vertige. Cela paraissait insensé d’espérer qu’elle nourrisse pour lui d’autres sentiments que de la haine. Pourtant il s’accrocha à cette possibilité, se laissa pénétrer, réchauffer par elle.
— Merci d’être venue me parler, madame. Je vous suis reconnaissant de votre franchise, bien plus que vous ne l’imaginez.
Il dut faire appel à toute la maîtrise dont il était capable pour ne pas se lever et la prendre dans ses bras.
Elizabeth l’avait écouté stoïquement, cependant, son assurance avait dû être ébranlée, car elle détourna les yeux avant de reprendre :
— Il y a un autre sujet que j’aimerais aborder avec vous, même si cela n’a rien à voir avec ce dont nous venons de discuter. Mais puisque je suis ici...
— De quoi s’agit-il, madame ?
— Je tiens à vous assurer que vous n’avez rien à craindre, que personne à Dunleavy n’usera de violence contre vous... de quelque manière que ce soit.
Il y eut un silence empreint de gêne. Elizabeth se mordit la lèvre inférieure et cela suffit à déclencher un petit frisson de plaisir chez Alexandre, quand bien même il comprenait ce que sous-entendaient ces paroles. De toute évidence, quelqu’un à Dunleavy avait proposé de le soumettre à la question pour lui faire avouer ce qu’il n’aurait pas jugé bon de dévoiler. Et Elizabeth avait refusé.
Il y avait fort à parier que le « quelqu’un » en question était Aubert, l’intendant, qui n’avait jamais caché son aversion pour lui. Quoi qu’il en soit, Alexandre avait désormais une raison supplémentaire d’être reconnaissant à Elizabeth.
— Il semblerait qu’une fois encore, madame, je vous doive beaucoup, et je ne peux que vous remercier.
Elle inclina brièvement la tête et, bien qu’elle n’ait pas dit un mot, il eut la nette impression qu’elle était sur le point de partir.
Désespéré à cette idée et résolu à la garder auprès de lui encore quelques minutes, il demanda :
— Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez me dire, Elizabeth ?
Son regard ne la quittait pas, quémandant le sien qu’elle s’obstinait à garder rivé au sol. Finalement, elle consentit à relever la tête.
— Non... oui, enfin... c’est juste que...
Elle s’interrompit et lui adressa un regard qui, étrangement, l’emplit de joie et de soulagement. Elle affichait cette expression presque insolente qui l’avait tellement intrigué au tout début. C’était de nouveau... Beth, telle qu’en elle-même. La femme fougueuse, au caractère bien trempé, qu’il préférait infiniment à celle, incertaine et pensive de ces dernières heures.
Il ne put réprimer un sourire.
— Comment messire, vous riez ? Vous me trouvez amusante ? se hérissa-t-elle, visiblement agacée.
— Que non, madame, répliqua-t-il avec véhémence. En vérité, je vous trouve insupportablement belle.
Elle en resta coite, et la réplique cinglante qu’elle préparait sans doute demeura coincée dans sa gorge. Pinçant les lèvres, elle le regarda un instant, puis murmura :
— Qu’avez-vous dit, messire ?
— Que vous êtes belle... et noble, généreuse et intelligente. La liste de vos qualités ne s’arrête pas là, mais cela
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