Le templier déchu
que trop combien la situation était grave. Car, à dire vrai, Dunleavy n’avait guère eu le temps de se remettre du siège de Lennox. On manquait encore d’hommes, d’armes et de munitions, et les défauts du système de défense du château n’avaient pas été corrigés. Des faiblesses que messire Stephen n’avait sûrement pas manqué de noter et de rapporter à ses supérieurs anglais, qui sauraient en tirer avantage, Elizabeth n’en doutait pas une seconde.
Mais au bout du compte, cela importait peu. Elle devait donner l’exemple et se montrer brave, quoi qu’il arrive. Elle l’avait fait auparavant et elle continuerait, quel que soit l’ennemi.
C’était là son rôle de châtelaine.
Haussant les sourcils, elle s’obligea à sourire, puis elle prononça les paroles tant redoutées, sachant que cet instant marquait le début d’une période de chaos auquel il était impossible d’échapper...
— Oui, messire Garin, cela recommence. Et que Dieu nous vienne en aide, car je crains que cette fois, nous ayons du mal à survivre sans Sa divine intervention.
16
Elizabeth s’attendait à entendre d’un instant à l’autre le fracas d’une pierre lancée par la catapulte du comte d’Exford contre les murailles de Dunleavy, fracas qui signerait le début du siège.
Elle avait beau le craindre, elle en arrivait presque à souhaiter qu’il commence, car l’attente qui durait depuis deux longues journées lui donnait l’impression d’osciller au bord d’un précipice... Et le cœur lui remontait dans la gorge chaque fois qu’elle songeait à l’armée massée au sud du château.
Pour l’heure, ils n’avaient reçu aucune nouvelle d’Aubert ou de Lennox, ce qui était un soulagement. Affronter un adversaire à la fois était largement suffisant. Cependant, Elizabeth ne pouvait s’empêcher de se demander comment réagirait lord Lennox s’il arrivait au beau milieu de la bataille.
Rongerait-il son frein, attendant que l’ennemi ait fait le gros du travail et se soit fatigué, avant de lancer une contre-attaque en espérant prendre tout le monde par surprise ? Ou déciderait-il finalement d’unir ses forces à celles d’Elizabeth pour repousser les Anglais, dans l’espoir que, éperdue de reconnaissance, elle lui remette ensuite les clés du château ?
En ce qui la concernait, si elle avait son mot à dire, le comte de Lennox recevrait le même accueil que le comte d’Exford.
Un grincement s’éleva soudain de l’autre côté du mur d’enceinte et se répercuta dans le silence tendu. Il fut bientôt suivi par un chuintement sonore, comme si des milliers d’ailes d’oiseau se battaient en même temps...
Et les soldats postés sur le chemin de ronde crièrent pour donner l’alerte.
Un craquement assourdissant suivit tandis qu’un boulet s’encastrait dans la tour sud, au ras du toit. Une pluie de débris et de pierres s’abattit sur les malchanceux qui se trouvaient dessous, leur arrachant des hurlements.
Puis le silence se fit de nouveau.
Un nuage de poussière tourbillonna dans l’air avant de retomber doucement sur le sol. Mais l’ennemi n’entendait pas offrir de répit à la population. Dans la foulée, un autre boulet fut lancé. Il toucha un endroit différent, avec un résultat tout aussi catastrophique.
Cependant la tour tint bon.
— Ripostez ! cria Elizabeth en agitant la main pour intimer d’actionner le trébuchet.
Messire Garin lança l’ordre à ses hommes, et le projectile fila par-dessus la muraille. Les archers s’étaient positionnés derrière les créneaux. À leurs pieds étaient posés des pots emplis de poix enflammée dans laquelle ils trempèrent la pointe de leur flèche avant de la décocher. Le capitaine n’eut pas le temps de leur ordonner un deuxième tir qu’un autre boulet vint pulvériser un créneau. Les archers les plus proches furent criblés de rocaille et certains basculèrent dans les douves, encore agrippés à leur arc.
Avant que les hommes aient le temps de se regrouper, une volée de flèches enflammées passa par-dessus le mur d’enceinte. Avec une précision aussi méthodique que diabolique, les projectiles allèrent se ficher dans les toits de chaume aussi bien que dans les corps, déluge de feu qui apportait dans son sillage la destruction et la mort.
En un instant, ce fut l’horreur et le chaos. Cris de terreur, râles d’agonie, odeur pestilentielle des chairs carbonisées, tout autour d’Elizabeth,
Weitere Kostenlose Bücher