Le temps des adieux
nous ne pûmes rien tirer de lui à part des gémissements de terreur. À ce moment-là arrivèrent des membres de la cohorte, conduits par Fusculus. Petronius confia assez gentiment l’enfant à l’un d’eux pour qu’il l’emmène au poste.
— Essaye de le convaincre qu’il ne va pas être battu et, surtout, enveloppe-le dans une couverture.
Les lèvres de Petronius se crispaient dans un rictus de dégoût alors qu’il regardait le pagne minuscule du gamin et sa poitrine dorée.
— Tu te ramollis, chef ?
— Regarde plutôt dans quel état il est. On n’obtiendra rien de lui en le brusquant, surtout s’il nous claque entre les mains.
La visite des appartements nous apprit plusieurs choses. Nonnius était déjà couché quand on l’avait attaqué. Des bottes avaient été jetées au hasard et des tuniques s’empilaient sur un tabouret. Le lit se trouvait de travers comme si une lutte y avait eu lieu. Les couvertures arrachées gisaient sur le sol. Comme il n’y avait que peu de traces de sang sur les couvertures, Petronius en conclut que Nonnius était encore vivant quand il avait été emmené.
Quant à savoir où il avait été traîné, nous ne l’apprendrions que si un membre de la bande se décidait à avouer. En revanche, nous pouvions imaginer assez facilement ce qui lui était arrivé après. Et nous préférions ne pas trop y penser.
31
Au moment où nous quittions l’imposante demeure de feu Nonnius, quelqu’un y arrivait. Quelqu’un qui avait mal choisi son moment. Il s’agissait d’un homme mince vêtu d’une élégante tunique blanche et portant un sac de cuir.
— On aimerait regarder dans ton sac.
L’homme le tendit à Fusculus sans se faire prier le moins du monde, mais en gardant un visage de pierre. Le sac était bourré de pinces, de spatules et de pots contenant divers onguents.
— Tu t’appelles comment ? demanda Petro.
— Alexandre. Je suis le médecin du maître de maison.
Nous nous détendîmes et lui lançâmes :
— Tes soins lui seront désormais inutiles !
— Ton patient s’est fait torturer à mort.
— Blessures au poignard. Fatales.
— Sa maladie est vraiment incurable.
Le médecin ne paraissait pas sensible à notre humour.
— Je vois, se contenta-t-il de dire, en pensant vraisemblablement à ses honoraires perdus.
— Je respecte les relations que tu entretenais avec ton patient, précisa Petronius, mais comprends bien que l’enquête que je mène est très sérieuse. Est-ce que Nonnius t’a fait des confidences qui pourraient nous aider à confondre les responsables de son assassinat ?
À en juger par la façon dont Petro pesait ses mots, il avait déjà eu des difficultés à soutirer le moindre renseignement à certains médecins.
— Je ne me souviens pas qu’il m’ait dit quelque chose qui puisse t’être utile, assura le praticien.
— Alors, tu peux t’en aller.
— Merci.
L’attitude du médecin paraissait étrangement réservée. Il avait semblé à peine surpris d’avoir perdu son malade d’une façon aussi horrible. Peut-être était-ce simplement parce qu’il savait comment Nonnius gagnait sa vie ?
— J’ai tout de même trouvé ce médecin bizarre, dis-je, une fois de retour au poste.
— C’est un médecin, rétorqua calmement Petro. Ils sont tous bizarres.
Si je ne l’avais pas aussi bien connu, j’aurais pensé que l’attitude de Petronius lui-même était étrangement réservée. Or, en vue de l’enquête dont Titus m’avait chargé, je tenais à ce que mon ami se conduise d’une façon compréhensible.
Au QG, la nouvelle recrue, Porcius, avait des ennuis avec une femme. Heureusement pour lui, elle était très vieille et ne valait pas la peine qu’on s’énerve à son sujet. Encore une à qui on avait volé une vieillerie sans valeur. Porcius essayait néanmoins de l’aider à établir un rapport, et il était facile de comprendre que si aucun de nous ne venait à sa rescousse, il y passerait le reste de la matinée.
— Adresse-toi à l’employé de bureau ! trancha Petronius.
— L’employé de bureau est le dernier des imbéciles ! lui renvoya-t-elle. (De toute évidence, ce n’était pas sa première visite.) Je préfère ce gentil garçon.
Porcius souhaitait arrêter le maximum de voyous dans le cadre de ses fonctions, mais ignorait comment disposer des importuns.
— Ce gentil garçon a des choses plus importantes à faire ! déclara
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