Le temps des adieux
sèchement Petro.
— Adresse-toi à l’employé de bureau, renchérit alors Porcius, l’air gêné.
Dans la pièce suivante, nous fûmes accueillis par un triste spectacle. Une énorme pierre était tombée à peu près au centre de la salle, avec les morceaux éparpillés d’un volet et un tabouret cassé. Petronius soupira avant de me confier :
— Comme tu peux le constater, certaines personnes du voisinage ne nous lancent pas que des trognons de choux. Quant à toi, poursuivit-il en s’adressant à Porcius, arrête de perdre ton temps avec des aïeules qui cherchent des distractions, et essaye plutôt de trouver qui hait les vigiles à ce point !
— Moi, je le sais, ricana Fusculus en faisant rouler la pierre vers la porte. Tout le monde déteste les vigiles !
Essayant de regagner l’estime de Petro, Porcius annonça nerveusement :
— Un des centurions était assis à l’endroit exact où ce rocher a atterri. Heureusement qu’à ce moment-là il était parti pisser. Sans ça, je crois bien qu’il y serait passé !
— Ouais, concéda Petronius, ça sent mauvais. Fusculus, mets toute la cohorte en état d’alerte. Les choses pourraient aller de mal en pis.
Les sourcils toujours froncés, il se retourna en direction de la cellule où étaient enfermés deux prisonniers ramenés par la patrouille de nuit. L’un d’eux hurlait et se jetait dans tous les sens, au risque de s’étrangler avec l’anneau de fer relié à une chaîne qui lui enserrait le cou. L’autre, en revanche, restait immobile et silencieux. Il était accusé d’avoir allumé un incendie, mais paraissait croire qu’un avocat habile le sortirait de là en deux temps trois mouvements – en lui obtenant en outre des dommages et intérêts. (Et d’après l’expression agacée de Petro, je pouvais deviner que cet homme avait très probablement raison.) Avec eux, recroquevillé sur un banc, se trouvait le petit esclave de feu Nonnius.
— Toi, ferme-la ! hurla Petro à l’homme ivre et à moitié fou qui ne cessait de pousser des cris.
Surpris, l’individu se tut immédiatement.
— Fusculus, interroge ces prisonniers et vois si on peut les laisser partir. On risque d’avoir besoin de cette cellule pour du plus gros gibier. Porcius, demande à Fusculus de te mettre au courant des derniers développements au sujet de Nonnius Albius. Ensuite, tu emmèneras ce petit garçon quelque part et tu essaieras de l’amadouer. Il a peut-être quelque chose d’important à nous apprendre. Si tu arrives à te débrouiller avec des vieilles dames indignes, tu dois pouvoir t’en sortir avec un gamin terrorisé. Essaye de gagner sa confiance et fais-lui raconter ce qu’il a pu voir quand on est venu enlever son maître. Il n’est pas en état d’arrestation, mais s’il a été témoin de quelque chose, je veux qu’on le mette dans un endroit où il sera en sécurité.
Pour parler en privé, Petro et moi nous rendîmes dans la gargote qui se trouvait juste en face de ses bureaux.
— Alors, qu’en penses-tu, Falco ?
Je mâchouillais une feuille de vigne farcie en essayant d’oublier sa consistance et sa saveur. Ce boulot me promettait toute une série de déjeuners aussi insipides que celui-ci. Petronius ne venait pas d’une famille qui vous préparait un panier-repas. Quand nous appartenions tous les deux à une légion, il était l’un des seuls à ne pas cacher de pain dans sa tunique avant de partir pour une marche forcée. Mais il n’eut bien vite aucun scrupule à me piquer le mien. Je crachai un morceau de je ne sais quoi.
— On dirait que le cambriolage de l’Emporium a été organisé par Nonnius et que quelqu’un d’autre a voulu le punir pour avoir visé trop haut, dit Petro.
Nous réfléchîmes tous les deux à cette hypothèse pendant quelques instants. En silence.
— Par ailleurs… commençai-je.
Petro m’interrompit d’un grognement.
— Te connaissant comme je te connais, j’aurais dû deviner que l’hypothèse la plus plausible n’allait pas te satisfaire. Donc, par ailleurs…
— Peut-être que Nonnius n’avait rien à voir avec ce coup si bien monté. Mais le vrai responsable a peut-être jugé utile de lui faire porter le chapeau. Afin d’éloigner les soupçons de lui.
— Ça serait pas vraiment malin ! décréta mon ami. Tant que Nonnius était vivant, on pouvait au contraire détourner les soupçons sur lui. Maintenant, comme ils vont pas en rester là,
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