Le temps des illusions
perpétuelle représentation comme son brillant aïeul. Il s’est ainsi réservé un domaine secret à l’abri des regards indiscrets. DéjàLouis XIV avait aménagé un appartement intérieur qui doublait le grand appartement ;Louis XV l’a transformé. « Le petit degré », un escalier donnant sur une cour, dessert cette retraite. Le roi peut également y pénétrer depuis le cabinet du Conseil et celui des Perruques, lequelcommunique avec sa nouvelle chambre, une pièce au plafond relativement bas, décorée avec luxe et raffinement dans le goût du jour. Le souverain ne pouvait supporter de dormir dans la chambre du feu roi aménagée voilà plus de cinquante ans dans un décor impressionnant par sa grandeur. Respectueux des usages, il maintient pourtant dans ce sanctuaire de la monarchie les cérémonies du lever et du coucher telles que les a instituées le Roi-Soleil. Le matin, il se réveille tranquillement chez lui, fait sa toilette aidé de ses valets et va se recoucher dans la chambre de parade pour le grand lever ; le soir après le grand coucher, il file dans sa chambre ou dans celle de sa maîtresse, et parfois chez la reine, ce qui l’oblige à traverser en tenue de nuit le salon de l’Œil-de-Bœuf encore rempli de courtisans. Mais ses visites àMarie se font de plus en plus rares. Lorsqu’il s’endort chez lui derrière ses rideaux tirés, un valet de chambre couche sur un lit de camp.
Dans ses petits appartements, le souverain a voulu se doter des commodités les plus récentes. Une somptueuse pièce des bains a été aménagée ainsi que plusieurs cabinets de garde-robe avec des chaises de commodité à l’anglaise. En ces lieux, le roi est enfin seul ; il s’y réfugie parfois assez longtemps. Autre nouveauté, deux salles à manger, une pour l’été au troisième étage donnant sur une cour intérieure, dite cour des Cerfs, entourée de balcons et de terrasses, une autre pour l’hiver à l’angle de la cour de Marbre et de la cour royale. Le roi y expose Le Déjeuner de jambon du peintreLancret et Le Déjeuner d’huîtres dû àDe Troy. On dispose plusieurs tables servantes dont les plateaux, les tiroirs à couverts et les caissons d’étain pour les bouteilles réduisent le service. Tapissé de damas rouge, le cabinet intérieur appelé parfois cabinet des tableaux est sans doute la pièce la plus luxueuse des petits appartements. Le roi y travaille et peut observer le va-et-vient des cours du château. Plusieurs autres cabinets se suivent au gré d’une architecture compliquée qui contribue à leur donner du charme : le cabinet des jeux, le cabinet de la bibliothèque qui comprend outre des livres, des souvenirs historiques et aussi des cartes chronologiques et géographiques enroulées sur des rouleaux à ressorts ; dans le cabinet du tour, le monarque se plaît à tourner l’ivoire mais on ne sait pas exactement ce qu’il fait dans le cabinet de distillation. Depuis le cabinet des oiseaux, une douzaine de marches mènent à l’appartement de Mme deMailly. Au deuxièmeétage existe maintenant une petite galerie éclairée de quatre lucarnes sur les murs de laquelle on peut admirer des scènes de chasse. Elle sert de salon après les soupers des retours de chasse. Au-delà des cabinets se trouvent des laboratoires pour que le souverain puisse se livrer à des expériences de physique et de chimie. Des cuisines avec rôtisserie, fourneaux, lavoirs, réservoirs, resserre et pâtisserie ont pris place au troisième étage, mais le roi a sa cuisine personnelle dans laquelle il s’amuse à confectionner des petits plats, protégé par un tablier avec poches et bavettes. Le Nouveau Cuisinier royal et bourgeois figure dans sa bibliothèque.
En été, après souper,Louis XV monte sur les toits du château et se promène avec ses hôtes de la soirée jusqu’à l’aile des Princes. Les nouveaux venus découvrent un véritable jardin suspendu avec des fleurs grimpant sur des treillages, des rocailles et des fontaines, des volières, un pigeonnier et un poulailler ! Partout les architectes et les décorateurs ont épuisé leur art pour la commodité des distributions, l’élégance de l’ameublement et les raffinements les plus recherchés du luxe. Les visites dans ces appartements privés sont réservées à de rares élus.
Lareine n’est jamais invitée aux soupers des petits cabinets, mais le roi vient parfois dîner chez elle tête à tête. On pénètre dans
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