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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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communicatifs qu’à Versailles. Fuyant l’ennui, ils vont de salon en salon où la société est beaucoup plus variée qu’à la Cour. Ils cultivent leur esprit, forment leur goût et acquièrent de nouveaux plaisirs par la fréquentation des hommes de lettres, qu’ils ne considèrent plus comme des amuseurs mais comme des penseurs qui font passer leurs idées sur la science, la morale ou la philosophie dans une conversation enjouée. Ils les écoutent. Au milieu de tels hôtes, les écrivains issus de milieux divers ont acquis une politesse raffinée. La conversation qui relie ces personnes venues de mondes différents est devenue un art bien français que toute l’Europe admire. Âme de ces réunions, la maîtresse de maison brille par son esprit et met en valeur celui de ses invités. Ces femmes sont nombreuses à Paris. Qu’elles soient issues de la noblesse ou de la bourgeoisie, elle parviennent à regrouper autour d’elles une société mêlée, unie par le même art de vivre, le goût pour les lettres et les arts.
    ManonFontaine, fille illégitime deSamuel Bernard qui l’a mariée au riche fermier général Claude Dupin, reçoit à l’hôtel Lambert dans l’île Saint-Louis Montesquieu,Buffon, lecomte de Tressan, qui est l’âme des fêtes de cour, laprincesse de Rohan, laduchesse de Mirepoix, lacomtesse de Forcalquier, lacomtesse de Choiseul, lamarquise du Chatêlet, l’abbé de Saint-Pierre, l’abbé de Mably, ami des Tencin, lejeune abbé de Bernis qui écrit des vers pour son hôtesse dans laquelle il voit « la finesse sans fausseté, la sagesse sans pruderie ». Chez elle on se nourrit encore des grands moralistes du siècle dernier et l’on disserte à l’infini sur les mérites de l’amour et de l’amitié. Son beau-fils,Dupin de Francueil, organise les divertissements dans leur château de Chenonceau où chaque repas réunit une vingtaine de convives. Dans la journée, on fait des lectures à haute voix sous les ombrages, on joue, on admire des cavalcades, on se promène en barque sur le Cher. Le soir, un concert d’une trentaine de musiciens charme les assistants et parfois le ballet de l’Opéra donne un spectacle à l’aimable compagnie.
    Le salon des Brancas dans leur hôtel du Palais-Royal est le plus proche du pouvoir mais il y règne une très grande liberté d’esprit. Lejeune Louis de Brancas, comte de Forcalquier, son frère, lemarquis de Céreste, et leur sœur lacomtesse de Rochefort, veuve à vingt ans, forment un trio inimitable pour l’animer.Mme de Lauraguais dit que Forcalquier éclaire une chambre en y entrant. Qu’on imagine ! Dans ce salon très aristocratique où se plaît la jeunesse, on retrouve leduc de Richelieu, la duchesse deLuxembourg, leduc et laduchesse de La Vallière… On fêteMaurepas qui ne parle pas des affaires du royaume. Spirituel, léger, il récite les épigrammes qu’il a composées et qui attaquent souvent les maîtresses du roi ; il chante des chansons satiriques qu’il collectionne lorsqu’il ne les compose pas lui-même. On reste dans l’attente de ses bons mots et on en rit tant qu’on peut. Leduc de Nivernais, beau-frère de Maurepas, élu à l’Académie française en même temps queMarivaux, charme la société par ses talents de musicien et de comédien. Le président Hénault, qu’on voit aussi bien chez la reine que dans tous les salons, est un hôte habituel des Brancas ainsi que Pont-de-Veyle, neveu des Tencin, qui se fait remarquer par ses talents d’imitateur.
    Presque toutes les grandes dames ont leur cercle. Les dîners de laprincesse de Rohan, ceux de laduchesse de Luxembourg, de laduchesse d’Aiguillon sont très recherchés. Petit-neveu de la maîtresse deLouis XIV, leduc de La Vallière est avecRichelieu etSoubise l’un des familiers de S.M. C’est un grand lecteur, un bibliophile fou des ouvrages du xvi e siècle et qui essaie de convertirLouis XV aux belles-lettres. Sa femme reçoit à Champs et dans leur propriété de Montrouge une société de beaux esprits où l’on rencontre Moncrif, l’abbé Voisenon,Mme du Deffand. Les La Vallière mènent une vie très libre. Le duc adore les femmes, surtout les comédiennes ; après sa liaison avecMlle Le Maure, chanteuse à l’Opéra, il en entretient une autre avec les deux époux Favart.
    Le salon deMme de Tencin reste tout à la fois le cénacle des beaux esprits, l’antichambre de l’Académie française, le laboratoire des idées nouvelles,

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