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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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ce long déplacement plutôt inconfortable. Elle n’oublie pas non plus le scandale causé par la présence de Mme deChâteauroux à l’armée auprès du monarque il y a deux ans. Elle est trop prudente pour s’exposer aux railleries, voire à la colère populaire.

    Voltaire à Versailles mais jamais à la Cour
    Voltaires’adonne avec passion à sa tâche d’historiographe du roi. Il dépouille des registres, examine des correspondances, fouille les archives des ministères, prend quantité de notes et interroge tous ceux qui ont approchéLouis XV. Il veut tout connaître du règne de son héros et immortaliser ses glorieuses campagnes. Courtisan à sa manière, il accepte volontiers le séjour de Versailles, mais fuit la Cour dont l’atmosphère et les intrigues l’indisposent. À la fin de l’année 1745, en présence de S.M., on a joué dans la salle du manège son Temple de la Gloire sur une musique deRameau, un divertissement célébrant les hauts faits du monarque comparé à l’empereur Trajan, modèle du souverain éclairé : « Il ne rapporte rien à soi, il ne songe qu’à être le bienfaiteur des hommes. » Le roi apprécia le spectacle et demanda une seconde représentation. Le 7 décembre, la pièce fut donnée à l’Opéra.
    La vie sourit àVoltaire. Il poursuit sa longue relation avecÉmilie, mais une autre femme occupe son cœur et ses sens. Ce n’est plus laGaussin trop volage, mais sa propre nièce, Mme Denis, une fraîche petite veuve de trente-trois ans très flattée d’être l’objet du désir de cet oncle dont toute l’Europe reconnaît le génie. Elle a quelques prétentions littéraires, aime l’opéra, chante gentiment, et apprécie la compagnie des protégés du grand homme tels queBaculard d’Arnaud ou le jeuneMarmontel. Elle organise des petits soupers chez elle rue du Bouloi, où l’on s’amuse avec une franche gaieté. Entre l’écrivain et sa nièce, pas de rivalités, pas de scènes, pas de passion. Des sentiments tendres et aussi du sexe : « Bacio il vostro gentil culo et tutta la vostra persona » , ose-t-il luiécrire 2 . Il a obtenu la soumission totale d’une femme éblouie par un amour qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Cependant leur liaison doit rester secrète, car Voltaire n’a pas l’intention de rompre ses liens avec Mmedu Chatêlet, ce que Mme Denis a du mal à comprendre.
    Lucide et amère, Émilie vient d’écrire un Discours sur le bonheur . Elle a tout pardonné, dit-elle, les voyages de Voltaire auprès deFrédéric II et sa liaison avec la Gaussin, mais aussi cet état d’indifférence qui s’était insidieusement glissé entre eux : « J’aimais pour deux », soupire-t-elle. L’amitié que lui impose son ancien amant ne lui suffit pas. « Un cœur tendre peut-il être rempli par un sentiment aussi paisible et aussi faible 3  ? »
    Tout à ses nouvelles amours et à son « historiographerie » (il parle ainsi de sa mission auprès du roi), Voltaire est soudain ressaisi par la fièvre académique. Le 19 mars 1746, la mort de de JeanBouhier, président du parlement de Dijon, laisse un fauteuil vacant sous la coupole.Voltaire n’a pas oublié son échec de 1743, mais il bénéficie maintenant de sérieux appuis. Ses fonctions officielles auprès du roi et l’amitié de plusieurs membres de l’illustre assemblée plaident en sa faveur. Cependant, des ennemis virulents répandent aussitôt des libelles diffamatoires attaquant sa vie privée et surtout son irréligion. Voltaire se démène, fait agir ses amis et il est finalement élu le 25 avril 1746. Le 9 mai, devant un parterre choisi et attentif, il prononce son discours de réception qui ne ressemble guère à celui de ses prédécesseurs, lesquels ont généralement composé des panégyriques émus deRichelieu et de la Sorbonne. Rien de tel avec lui. Il rend un hommage appuyé au président Bouhier qui « ne ressemblait pas à ces savants insociables et inutiles qui négligent l’étude de leur propre langue pour savoir imparfaitement les langues anciennes ; qui se croient en droit de mépriser leur siècle parce qu’ils se flattent d’avoir quelque connaissance des siècles passés ; qui se récrient sur un passage d’Eschyle et n’ont jamais eu le plaisir de verser des larmes à nos spectacles ». C’était flatter les Modernes mais jeter des pierres dans le jardin des Anciens encore nombreux à l’Académie. Cet éloge de Bouhier entraîne

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