Le temps des illusions
succédèrent. Le roi et la reine étaient heureux et pressés de recevoir Mlle deMontpensier.
Le 6 janvier 1722, dans l’île des Faisans sur la Bidassoa, là même oùLouis XIV avait accueilli l’infante Marie-Thérèse, tout est prêt pour l’échange des deux princesses, Mlle de Montpensier et l’infante Marie-Anne. Une belle maison de bois, bien meublée, comprenant deux appartements séparés par un salon central, doit recevoir les futures épouses. Comme dans un ballet bien réglé, l’une et l’autre descendent de carrosse en même temps et parviennent dans leur appartement par un large pont de bateaux devant une foule énorme qui attendait les cortèges sur chacune des deux rives. Après un moment de repos, les deux petites filles (elles sont si jeunes !) pénètrent dans le salon, chacune suivie de sa cour. Les politesses d’usage échangées, les princesses s’embrassent et changent d’appartement. Au moment de quitter sa gouvernante, l’infante éclate en sanglots ; son désespoir est tel qu’il est permis à sa « remueuse 15 » de l’accompagner. Mme deVentadour la cajole, lui parle du roi et l’enfant se calme. Dans son carrosse l’attendent des jouets et des poupées. Commence pour elle une marche triomphale qui doit la conduire jusqu’à Paris. À chaque étape, on l’acclame, on l’amuse ; elle a même passé la milice enrevue ! Blonde, blanche et rose, assise dans le carrosse sur les genoux de Mme de Ventadour, elle agite ses petites mains, envoie des baisers et gazouille aimablement. Elle ne manque d’ailleurs pas d’humour. Laprincesse de Soubise l’ayant prévenue que lecardinal de Rohan venu la saluer à Chartres n’était pas beau, mais qu’il ne fallait rien dire, elle mit ses mains sur son visage en écartant les doigts et s’écria : « Il faudra donner le fouet à Mme de Soubise, parce qu’elle a menti. »
Le 1 er mars, l’infante arriva à Berny, à trois lieues de Paris, où l’attendaientle Régent, sonépouse,sa mère et ses enfants. Madame, dont on connaît les jugements péremptoires, fut aussitôt attendrie. Le lendemain, l’infante rencontra son fiancé venu au-devant d’elle à Bourg-la-Reine. Elle s’agenouilla devant lui ; il la releva, rougit et lui fit un bref compliment de circonstance avant de repartir pour Paris.
Depuis plusieurs jours la capitale prépare l’entrée de la future reine pour la plus grande joie des Parisiens que l’avocat Barbier juge bien sots en pensant que « c’est à toutes ces histoires-là que notre argent est employé 16 ». Les rues et les places sont décorées, le soir elles seront illuminées, des fontaines de vin sont installées sur des estrades où l’on dansera. La foule s’est massée sur le passage du cortège qui entrera par la porte Saint-Jacques. Le roi, les princes du sang, une partie des gens de sa maison ouvrent la marche, à cheval, suivis par les ambassadeurs d’Espagne, legouverneur de Paris, les mousquetaires, les gendarmes, les chevau-légers, les gardes du corps, le guet, les archers de la Ville et les grenadiers, tous dans de somptueux équipages. Paraît alors le carrosse de l’infante, laquelle envoie des baisers à la foule tout le long du trajet jusqu’au Louvre où le roi l’accueille sur le perron. Elle veut se jeter à ses genoux, mais il l’en empêche, la relève et l’embrasse. À l’intérieur du palais, il lui fait visiter ses appartements avant de regagner les Tuileries. L’infante veut le reconduire chez lui, mais il se retourne pour l’en empêcher. « Madame, le roi vous prie de n’en pas faire davantage et il vous l’ordonne comme votre seigneur et maître. » Déçue, la princesse est restée au Louvre. Le soir, lorsqu’elle s’est couchée, elle a voulu laisser une place pour son mari en disant qu’il viendrait peut-être parcequ’elle savait que son père et sa mère dormaient toujours ensemble.
Depuis lors, les fêtes se succèdent. Le 8 mars, le roi a ouvert le bal de cérémonie au Louvre où les dames portaient la robe de cour et les hommes des habits de couleur à fleurs d’or. Le souverain semble triste et s’ennuie. Le 23 mars,le duc d’Ossone, ambassadeur extraordinaire de S.M.C., a fait tirer un feu d’artifice sur la Seine entre le Pont-Neuf et le Pont-Royal d’après un dessin deBerain.Louis XV et l’infante l’ont regardé depuis le Louvre. Plusieurs fois l’infante tira son futur époux par la manche parce
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