Le temps des poisons
propre souverain. On condamne ces individus au bûcher... si on réussit à les arrêter. Mais, bien sûr, qui oserait accuser le puissant vicomte Sanglier ? Vous êtes amants. Qui sait, peut-être l'amour entre vous deux est- il aussi profond que celui qui me lie à Maître Murtagh. Je vous ai vus vous effleurer.
— Et Marshall ? interrogea Cavignac.
Kathryn jeta un rapide coup d'œil vers Lord Henry et Colum, qui s'efforçaient de cacher leur stupéfaction et leur surprise.
—
Il espérait vous intimider, reprit-elle. J'ignore s'il a découvert le secret de l'un d'entre vous ou des deux. D'un seul, à mon avis. C'est pour cela qu'il a accepté de vous voir.
Elle désigna Cavignac.
—
Marshall était habitué aux rixes de rue, au fracas des épées, aux dagues qui volent ; il ne craignait personne. Il a commis une terrible erreur qui lui a coûté la vie : ce n'était pas une personne qui l'attendait, mais deux. Vous lui avez, ensemble, tranché la gorge et l'avez lancé dans la Seine. Lord Henry a fait savoir que son principal espion avait disparu. Il a embelli l'histoire en mentionnant un livre de codes. En réalité, il vous appâtait. Vous saviez, comme lui, qu'il n'y avait point de livre de codes. Pourtant que pouviez-vous faire ? Vous ne pouviez réfuter ses dires sans admettre que vous étiez responsables du trépas de l'un des envoyés officiels de l'Angleterre.
Elle montra du doigt le coffre à flèches.
—
Il contient des vêtements de femme : les vôtres, Cavignac. Vous auriez dû les détruire, ainsi que les fards et les breloques, mais, bien entendu, vous n'avez pas pu, aussi avez-vous tenté de les dissimuler parmi les affaires de Delacroix.
—
Et qui l'a occis ? interrogea Sanglier avec circonspection.
—
Voyons, Messire, mais vous deux.
Kathryn leva la main.
—
De grâce, pas d'objections. Nous ne sommes point dans une pièce, un mystère, et je suis lasse des serments vides et des menaces creuses. Le prêcheur est arrivé au manoir. Il apportait la nouvelle de la découverte du corps de Marshall et je pense aussi qu'il avait deviné la vérité. Il a joué le même jeu que Marshall, et Dieu seul sait ce qu'il connaissait au juste. Et il a eu le même destin que Marshall parce qu'il a commis la même erreur.
Elle tendit le doigt vers Sanglier.
—
Il est parti sur les falaises dans l'intention de vous y retrouver. Le prêcheur n'avait peur de rien. C'était un combattant ; il voulait vous vendre des renseignements sur Cavignac qu'il avait celés à son maître. Mais il vous a rencontrés tous les deux. Vous lui avez tranché la gorge et avez lancé son cadavre du haut de la falaise.
—
Je n'étais pas... commença Cavignac, haletant.
—
Comment, monsieur ', vous n'êtes point sorti du manoir cette nuit-là ? Moi, je vous ai vu, contra Kathryn. J'ai senti votre présence.
Vous êtes un espion accompli et un assassin. Sortir d'un castel comme celui-ci et y rentrer en catimini n'est pas hors de votre portée !
—
Et Delacroix? s'enquit Sanglier d'une voix qui trahissait sa peur.
—
Oh, il était ambitieux et ne s'en laissait pas conter. Peut-être s'est-il aperçu, dès le début, que quelque chose n'allait pas. Et quelle récompense l'attendait ! Se faufiler près du roi de France pour chuchoter ses soupçons à l'oreille de l'Aragne. Delacroix était dangereux ; c'était un rival d'importance, aussi fallait-il le réduire au silence. Vous vouliez, cependant, faire retomber le blâme sur Lord Henry avant de regagner Paris en hâte, fort satisfaits de la façon dont les choses s'étaient déroulées. Personne ne pourrait vous reprocher le trépas de Marshall. Votre royal maître, quoi qu'il eût laissé entendre, soupçonnait probablement qu'il n'y avait pas de livre de codes. Vous mépriseriez les rumeurs et les tiendriez pour ce qu'elles étaient : des mensonges, issus de l'imagination fertile de Lord Henry.
—
Delacroix !
Cavignac cria le nom comme si c'était une malédiction.
—
L'esprit tranchant telle la lame d'une épée, continua Kathryn. Il avait des soupçons à votre sujet, bien que j'en ignore la teneur. Il se peut que le prêcheur l'ait approché mais, là encore, je n'en ai nulle preuve ; je ne peux parler que de ce que je sais. Peut-être se doutait-il de la nature de vos relations bien avant de quitter la France. Il a sans doute vu quelque chose, eu des doutes, mais il n'aurait jamais affronté le puissant vicomte à moins d'avoir de
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