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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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mon épouse recèle-t-il deux cercueils ?
    Le prêtre, cependant, semblait perdu dans ses pensées et souriait à moitié comme s'il savourait une plaisanterie, tout en jetant de temps à autre des regards furieux au sergent. A ses côtés, Amabilia jouait les nonnes, mains jointes, tête basse.
    —
    Etes-vous heureux, mon père, d'avoir fait justice au nom de votre fils ? Oui, je l'appellerai votre fils jusqu'à ce que vous me corrigiez.
    Nous avons toutes les preuves nécessaires. Le carré des indigents confirmerait mes dires. Il vous a été si facile, avec l'aide d'Amabilia, de transporter le corps de nuit, de fabriquer une bière, de soulever le dallage de la crypte et d'y descendre le cercueil. Vous avez organisé un service funèbre privé et chanté un Requiem en pleine nuit avec des cierges allumés. Vous avez célébré la messe des morts et Amabilia a rempli le rôle de servant. Personne n'en saurait jamais rien. Vous aimiez ce jeune homme. Votre église est remplie de fresques représentant Joseph et Marie avec Jésus enfant ou jeune garçon. Vous avez choisi de semblables thèmes sur la jeunesse tirés de l'Ancien Testament. Vous saviez que Lady Mary appréciait les beaux arbres. Sur les côtés de son sarcophage vous avez gravé différents arbres, mais à leur pied se trouvent toujours une mère et son enfant. Tout comme dans les peintures de l'église. Des hommages secrets et discrets à la femme et à l'enfant que vous aimiez.
    —
    Pourtant notre pasteur ne connaît rien aux poisons, fit observer le médecin.
    —
    Il vous l'a laissé croire. Le père Clement et sa prétendue sœur cachent bien leur jeu. Lisez Chaucer, messire le physicien : « L'habit ne fait pas le moine. » En l'occurrence, la bure ne fait pas le prêtre. Le père Clement et Amabilia sont fort habiles gens. Leur église et son cimetière sont entourés de champs où l'on peut cueillir n'importe quel simple. Nous trouverons quelque part dans les caves du presbytère des herbes séchées, du lierre toxique, de la sorbe écrasée, des champignons vénéneux, de la ciguë et peut-être des pots de poudres mortelles, de l'arsenic rouge et blanc, sans parler de la poudre qui tue en quelques secondes, celle qui a une odeur âcre et douce-amère d'amande.
    —
    Qu'avez-vous à répondre ? demanda Lord Henry au pasteur.
    —
    Tendez les mains, mon père, ordonna Kathryn.
    Il fit la grimace mais s'exécuta.

    —
    Vous travaillez la pierre. J'ai déjà vu les mains des tailleurs de pierre : elles sont crevassées et écorchées. Souvent les blessures se referment mal, mais regardez vos cicatrices. Messire le physicien ?
    Roger se pencha par-dessus la table.
    —
    Presque aucune trace, murmura-t-il. Je n'avais jamais pensé à ça.
    —
    Ou vos dents, ajouta Kathryn, ou la peau de votre figure. Vous avez, ainsi qu'Amabilia, l'haleine fraîche parce que vous savez à quel point il est important de mâcher du fenouil et de la menthe. Vous auriez fait un bon médecin. J'ai observé les pierres tombales du cimetière. On a gratté mousse et lichen et, près d'un appentis, j'ai vu un seau de lait tourné.
    —
    Bien sûr ! intervint Roger. J'ai ouï parler de ce remède pour les blessures. Le lait qui stagne longtemps dépose une substance sur les bords du pot. Oui, oui, continua-t-il, fort agité, et mélangée à de la mousse sèche, on prétend que ça peut même traiter l'irritation de la gorge et débarrasser les poumons d'un excès de phlegme. Les plaies infectées en sont curées et la peau guérit sans peine.
    —
    Vous dites avoir des rhumatismes, remarqua Kathryn, mais je n'en crois rien. C'est une excuse pour ne pas rendre visite à Mathilda.
    Et vous n'alliez sans doute pas chez son fils, Adam, bien que vous proclamiez le contraire. En tout cas, son registre ne contient pas d'entrée vous concernant, vous ou celle que vous appelez votre sœur. Vous n'aviez pas de raison d'y aller : vous vous soigniez vous-même.

    —
    J'aurais dû vous occire, déclara soudain le prêtre en joignant les mains comme pour prier. J'aurais dû vous tuer tous, les membres du conseil paroissial et d'autres du village. Regardez-moi et désespérez
    : je suis la colère de Dieu.
    —
    Compté, pesé, divisé, chuchota Kathryn.
    —
    C'est ce que j'ai fait, répondit le prêtre d'un ton uni comme s'il parlait à son bonnet. J'ai servi des années cette bande de malandrins.
    J'ai baptisé leurs enfants ; je suis allé auprès de leurs agonisants au cœur de

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