Le temps des poisons
affaire de quelques secondes - puis s'est rendu dans le cimetière pour boire sa propre mort.
Hawisa intervint soudain.
—
Je voyais souvent le bedeau. Il m'épiait et croyait que je ne le savais pas ; en réalité c'était moi qui l'espionnais !
—
Comme vous l'avez fait avec moi, déclara Kathryn, quand on m'a attaquée dans l'église.
—
Quoi !
Colum bondit et Kathryn lui posa une main apaisante sur le bras.
—
Vous ne me l'avez pas dit ! cria-t-il.
—
Je vous le dis à présent, rétorqua-t-elle. Mais on ne m'a point fait de mal.
Elle se tourna vers la jouvencelle.
—
Hawisa, vous avez vu s'enfuir l'assassin, n'est-ce pas ?
Hawisa acquiesça.
—
Il a gravi le mur en se servant de ses deux mains, parce qu'il avait caché l'arc et les flèches au milieu des tombes afin que lui et sa complice puissent les récupérer plus tard. Il est difficile de porter des armes si on doit courir ou escalader un mur. C'était vous, mon père, accusa Kathryn. Vous avez lâché flèche après flèche, tout en sachant qu'Hawisa était dans le cimetière. Le jeu avait duré trop longtemps.
Vous aviez tout organisé. Vous avez fait semblant de partir et avez fermé la porte des morts. Ensuite, vous avez prétendu être malade.
Rien d'étonnant à ce que vous ayez eu triste mine à courir de-ci de-là dans cette église sombre. Amabilia, toute innocence, est entrée par la grande porte et vous vous êtes alors enfui.
—
Nous ne voulions point vous tuer, répondit Amabilia sans détour.
Nous voulions juste vous effrayer. Vous ne risquiez pas plus de recevoir une flèche que moi.
Colum se pencha par-dessus la table.
—
Je vous ferai pendre !
Amabilia saisit la main de son amant.
—
Si nous avions projeté de la tuer, précisa-t-elle doucement, nous l'aurions fait. Clement est un excellent archer. Vous êtes fort aimable, Maîtresse Swinbrooke.
Elle parlait avec calme et Kathryn se demanda si elle avait perdu l'esprit, inconsciente du véritable danger dans lequel elle se trouvait.
—
Nous ne vous aurions pas tuée, répéta Amabilia. Vous êtes éprise, vous avez été bienveillante et courtoise avec nous, malgré vos questions indiscrètes et vos yeux perçants.
Son sourire s'évanouit.
—
Nous espérions qu'affolée vous partiriez.
—
Pourquoi ? s'enquit Kathryn. Narrez-moi comment tout cela est arrivé.
—
Je vais me confesser, ici, en présence de mes ennemis, intervint le prêtre avec un rictus. J'étais jadis tailleur de pierre, le meilleur de Douvres, mais j'avais aussi la vocation. L'Église m'accepta, m'éduqua et m'ordonna. Je croyais avoir trouvé ma voie, jusqu'à ce que je rencontre Amabilia. Elle était veuve depuis peu, son mari, un médecin, ayant été tué par les Français ou s'étant noyé quand ils ont coulé la cogghe sur laquelle il servait.
Il enlaça sa compagne. Kathryn était stupéfaite de constater à quel point ces deux êtres se suffisaient à eux-mêmes et semblaient ne pas avoir conscience du chaos qu'ils avaient causé.
—
Amabilia était sans ressources. Le Bâtard de Faucomberg possédait des logis en la ville. Je l'avais bien servi, aussi l'ai-je prié d'en accorder un à Amabilia. Elle m'aidait dans la paroisse où j'avais été nommé. Nous sommes tombés amoureux.
Il joignit les mains.
—
Elle fut grosse et donna naissance à un superbe garçon.
—
Je ne voulais point que Clement soit un prêtre défroqué, plaida Amabilia. J'ignorais alors à quel point il m'aimait. Je suis allée voir Faucomberg - elle ravala ses larmes -, un homme cruel mais juste. Il m'a protégée pendant ma grossesse et m'a fait entrer dans sa maison. L'enfant naquit et nous l'avons baptisé James. Puis quand Clement changea de paroisse, je l'ai accompagné, me faisant passer pour sa sœur chargée de son ménage. James était élevé par Faucomberg et devint page et écuyer. Quand il en eut l'âge, on lui révéla l'identité de ses véritables parents. Il ne venait onc nous voir à Walmer : nous nous retrouvions toujours ailleurs, loin des yeux fureteurs et des langues acérées. C'était un charmant jouvenceau.
Elle soupira.
—
Un bon soldat. Il disait qu'il se battrait avec Faucomberg jusqu'à la mort. Nous l'aimions et il nous aimait.
—
Il nous a rejoints, dit le prêtre, quand tout fut perdu. Il ne voulait pas seulement chercher asile ; il voulait aussi revoir ses parents avant de s'enfuir au- delà des mers.
Il se redressa dans sa chaire
—
Et
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