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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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pensait qu'il n'avait pas d'âme ; et s'il en avait une, elle était déjà avec les démons. Il prit une profonde inspiration. Que devrait-il faire ? La raison lui disait qu'on pouvait se procurer n'importe quel poison dans les champs alentour. En outre il avait tant d'ennemis ! Il craignait que quelqu'un ait eu vent de ses rencontres secrètes avec Isabella dans la campagne, dans les bois ou les prés où elle s'étendait nue et lui permettait de la posséder. Et maintenant qu'elle était morte, un villageois aux aguets ou amateur de ragots -
    une vieille femme comme grand-mère Croul, par exemple - se souviendrait-il de ce qu'il avait vu ? Lancerait-il des rumeurs sur la place du marché à propos d'Adam l'apothicaire qui avait désiré Isabella, l'épouse du forgeron... et qui, de plus, connaissait les propriétés des simples ?
    Adam leva les yeux. En temps ordinaire, il allumait une chandelle, cependant à présent il préférait être seul et réfléchir dans cette pièce assombrie. Il redoutait les habitants de Walmer. Il n'avait pas oublié le sort réservé, un an plus tôt, aux trois réfugiés lancastriens qui étaient venus chercher asile. Sous la conduite de l'échevinage, lui et d'autres hommes et femmes avaient crié haro et s'étaient emparés de leurs épées, gourdins, pelles, pioches, tout ce qui leur tombait sous la main. Ils les avaient pourchassés jusqu'à la porte de l'église. Les avaient-ils occis dans le feu du combat ou était-ce un massacre ? Ce jour-là, Adam avait eu l'impression d'être un véritable soldat. Les trois fuyards, bien que faibles, épuisés et affamés, avaient tenté de se défendre. Ils avaient protesté au nom du droit d'asile, ce dont nul n'avait tenu compte. Adam avait mené l'attaque et tué l'un des archers pendant qu'Elias et les autres cernaient les deux restants et leur tranchaient la gorge. Ensuite ils s'étaient vantés par tout le village, jouant les Hector et les héros célèbres, oui, les chevaliers de la Table ronde d'Arthur. Elias avait trompeté qu'il les avait abattus tous les trois, mais ses compagnons l'avaient fait taire. D'autres n'avaient pas les mêmes certitudes. Les âmes moins échauffées semblaient tristes et, après tout, qu'y avait-il de si glorieux dans ces trois corps nus taillés en pièces qui gisaient sur les marches de la croix du marché ? Lord Henry était venu avec sa petite troupe. Il avait mis pied à terre, avait contemplé les dépouilles et, l'air plutôt mécontent, avait ordonné qu'on les enterre aussi vite que possible.
    Ce jour-là, on n'avait vu ni le père Clement ni Amabilia, sa sœur aux yeux rieurs. Ils étaient en voyage dans la région boisée du Kent. On les avait simplement informés, à leur retour, que le cimetière comptait trois tombes fraîches dans le coin des indigents.
    Adam revint à la question des poisons. Les prairies de la contrée regorgeaient d'herbes et de plantes, toxiques ou salutaires, mais qui en connaissait les propriétés ? Le prêtre et sa sœur ? Adam eut un petit sourire suffisant. Ni l'un ni l'autre n'avaient fait preuve de ce savoir. Pourtant il en était certains, dans le village, qui pouvaient énumérer les dangers de la mandragore ou dire quels champignons étaient dangereux ou non. Il lui faudrait préparer une liste de ces gens juste au cas où on l'accuserait. Il regarda la porte de la pièce ; elle était close et verrouillée. Personne ne pouvait entrer. Il resterait céans, à déguster sa chope, jusqu'à ce que ses craintes se calment.
    Peut-être boirait-il un peu de camomille pour régler ses humeurs et de la menthe pour s'adoucir l'estomac. Swinbrooke était déjà bien assez inquiétante, alors la rencontrer en présence de Lord Henry !... Adam avait peur de ce grand propriétaire. Il se remémora les histoires sur Lord Henry traquant les naufrageurs et eut un sourire contraint. Là, il devrait vraiment rendre grâce à Dieu et à Lord Henry. Un de ses oncles, hors-la-loi, avait été pendu au grand gibet ; cette demeure, et tout ce qu'elle renfermait, était donc échue au père d'Adam, puis à lui.
    L'apothicaire jeta un nouveau coup d'œil au plafond. Sa mère se tenait tranquille même si, à présent, elle avait dû se rendre compte que son fils était revenu. D'un instant à l'autre elle agiterait sa sonnette ou frapperait sur le plancher. Bon, peut-être dormait-elle encore... Il pouvait attendre. Il serra plus fort sa chope et repensa à Lord Henry. Adam avait

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