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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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vicomte se mit à rire.
    —
    Profitez donc du beau temps anglais, Madame. Il paraît que le soleil ne va pas tarder à disparaître.
    Kathryn rassembla les rênes et regarda les trois étrangers. Ils étaient sans doute sortis afin d'éviter qu'on puisse écouter leur conversation.
    —
    J'ai cru comprendre que Lord Henry avait de nouveaux soucis au village, déclara Sanglier. Un trépas après un autre. Eh oui, le Seigneur donne et le Seigneur reprend.
    —
    Que voulez-vous dire ? interrogea Kathryn en se penchant.
    Messire, qu'entendez-vous par là ?
    Sanglier tapota sa moustache.
    —
    Oh, ne savez-vous pas ? Walmer appartient au seigneur du manoir. Quand un homme meurt, ses biens reviennent à Lord Henry.

    Si ces morts continuent, il sera un homme encore plus riche avant la fin de la semaine.
    —
    Lord Henry est déjà bien assez fortuné, rétorqua Kathryn, agacée par le ton persifleur du Français. Il n'a point besoin des richesses des disparus.
    Elle pressa son cob. L'un des hommes ricana dans son dos, mais elle ne se retourna pas. Du coin de l'œil elle distinguait le mur d'enceinte du castel qui s'élevait dans le ciel bleu. Le soleil scintillait dans les fenêtres ; à sa droite, la mer chatoyait sous le soleil déclinant. Bel après-midi, se dit-elle. L'herbe et les ajoncs de la falaise étaient touffus et parsemés de fleurs sauvages parfumées aux couleurs variées. Au-dessus de sa tête, une mouette cria. Un connil détala sur le sentier. Devant elle, grand-mère Croul était agenouillée au pied de la potence comme si c'était une statue. La vieille femme ne bougea que lorsque Kathryn eut mis pied à terre et entravé son cheval. Elle s'assit alors dans l'herbe sous l'échafaud où Kathryn la rejoignit, les yeux fixés sur la mer.
    —
    C'est si calme, n'est-ce pas ? fit observer grand- mère Croul en regardant au loin comme si elle essayait de discerner quelque chose au-delà de l'horizon. Voyez, la mer est un miroir. J'aime contempler le coucher du soleil quand les flots deviennent rouges.
    Kathryn leva les yeux vers la potence à trois bras, haut monstre de bois noir et de crocs patibulaires. Un morceau de corde se balançait à l'un d'eux.

    —
    C'est paisible à présent, confessa grand-mère Croul, mais j'étais présente quand on les a pendus. Une charrette après l'autre, des échelles dressées contre le gibet. Les hommes arrivaient au trot, nœud coulant au cou, et les tombereaux s'écartaient, laissant les corps danser et tressauter. L'autre potence était plus grande que celle-ci ; elle avait six branches, mais celle-là est bien assez épouvantable. Bon, ne parlons plus de mort. Appréciez-vous votre séjour au manoir de Walmer ?
    —
    Je croyais qu'il en serait ainsi, répondit Kathryn en lui rendant son sourire. Le village est beau et la mer si sereine que je peux à peine ouïr les vagues.
    —
    Revenez en hiver et vous les entendrez ! dit grand-mère Croul en riant. Elle gronde comme un géant qui essaie de rompre ses chaînes.
    Vous avez donc il y a peu échangé des vœux à la porte des mariages avec ce gaillard d'Irlandais ? Vous savez, les villageois ont peur de lui
    ; de toute façon, ils redouteraient n'importe quel Irlandais. Ces hommes terrifiants étaient nombreux ici pendant les récentes guerres
    !
    —
    L'habit ne fait point le moine, rétorqua Kathryn en citant Chaucer.
    —
    Je sais. Il n'en reste pas moins que votre Irlandais est un soldat.
    Je l'ai deviné à sa façon de lever cette épée dans la grand-salle ; j'ai cru qu'il allait nous couper la tête !
    Kathryn se mit à rire.
    —
    Un guerrier au combat, un parfait et gentil chevalier en temps de paix.

    —
    Les hommes ne sont pas gentils, contra grand- mère Croul. Ils sont violents. Non, c'est faux : mon premier époux était doux et bienveillant ; il n'aurait pas fait de mal à une mouche et aurait soigné un oiseau à l'aile brisée. Le second... Ah, Madame, comme nous les femmes pouvons être écervelées ! C'était un sauvage, et pis encore.
    J'ai parfois l'impression que nous, êtres humains, sommes comme des chevaux. On peut avoir un cheval foncièrement bon. Puis en trouver un autre qui a un vice. Ça s'est passé ainsi avec mon second mari. Il a rejoint les naufrageurs, pas seulement parce qu'il voulait s'enrichir, mais aussi parce qu'il aimait tuer.
    —
    Pourquoi venez-vous donc ici ?
    —
    J'avais l'habitude d'apporter des fleurs et d'allumer une chandelle.
    Puis je me suis dit : « A quoi bon ?

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