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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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ne croyez pas, non plus, qu'un d'entre nous a trempé dans l'affaire ? Paris, comme Londres, fourmille de malandrins. Marshall n'aurait pas dû aller pêcher en Seine.
    — Qui vous a dit qu'il était allé pêcher ?
    — Vous.
    — Peut-être, Messire le vicomte, mais pêcher quoi ?
    Lord Henry se tourna vers son espion et lui tapota l'épaule. De petits nuages de poussière s'élevèrent de la grossière robe noire.
    — Narrez l'histoire vous-même.
    —
    J'ai passé trois mois à Paris, déclara Blandford d'une voix rauque. Les pêcheurs rivalisaient pour découvrir le cadavre de William Marshall, l'Anglais qui s'était noyé. D'aucuns, mais je ne sais qui, précisa- t-il, sarcastique, ont aussi promis or et argent si le corps et tous les menus objets étaient repêchés.
    Sanglier lui lança un regard glacial.
    —
    A-t-on trouvé quelque chose sur lui ? questionna Cavignac.
    —
    Rien ! Le pauvre Marshall avait les habits qu'il portait d'ordinaire et quelques pièces dans son escarcelle, mais sa dague n'était plus au fourreau.
    —
    William Marshall était un homme de bien ! s'exclama Lord Henry dont la voix fit taire le vacarme de la cour. Sa mort sera vengée.
    Il tendit le bras et ordonna qu'on pose son faucon pèlerin favori sur son poing ganté. Puis il s'inclina devant tous ses hôtes, traversa l'enceinte et franchit la porte étroite qui menait à ses appartements privés.
    Sanglier et ses compagnons s'écartèrent aussitôt en chuchotant et se dirigèrent vers le portail, loin des oreilles indiscrètes. Colum regarda le palefrenier desseller le cheval monté par sa femme.
    — Eh bien, qui l'eût cru ! souffla-t-il.
    —
    Qui eût cru quoi, Irlandais ?

    —
    Lord Henry est gardien du Sceau secret parce que, sous son beau visage impassible et calme, se cache une cervelle qui grouille comme un boisseau de vers, expliqua Murtagh en hochant la tête. Il est rusé et intelligent. Sanglier a trouvé son maître.
    Le prêcheur s'approcha avec nonchalance, cligna de l'œil à l'adresse de Kathryn et suivit Lord Henry dans le château.
    —
    Je ne sais pas trop ce qui se passe, Kathryn, murmura Colum.
    Lord Henry a ourdi une intrigue dans laquelle, bon gré mal gré, Sanglier et ses comparses doivent jouer leurs rôles.
    —
    Marshall a donc été occis, déclara Kathryn. La question principale est : par qui ? Les Français ?
    — Assez de questions !
    Colum lui prit la main et lui baisa les doigts.
    —
    Ainsi, le prêcheur est un espion et un menteur, insista la jeune femme, et, de plus...
    —
    Suffit ! s'insurgea Colum en souriant. Suffit pour le moment !

CHAPITRE VI
    « De ce texte disant que les chasseurs ne sont pas des hommes saints, il ne donnait pas un pet de lapin. »
    Chaucer, Prologue général, Les Contes de Cantorbéry Dans leur chambre, une servante avait roulé un brasero couvert dont le charbon rougeoyant, parsemé d'herbes, répandait un délicieux et frais parfum. Kathryn s'assit quelques instants au bord du lit et étudia un bestiaire que leur hôte leur avait fait apporter en guise de cadeau de sa bibliothèque. Elle feuilletait le parchemin coloré en contemplant les rouges et les verts foncés et s'arrêta devant une étrange créature que l'artiste avait peinte en violet.
    Murtagh se dévêtait pour faire ses ablutions. Kathryn tapota la page.
    —
    Saviez-vous, Colum, que l'onagre vit en Afrique et qu'un seul mâle domine tout un troupeau de femelles ?
    Elle sourit.
    —
    Selon ce livre, le mâle est si jaloux du poulain nouveau-né qu'il lui arrache les testicules d'un coup de dents. La veille du 25 mars, fête de la Conception du Christ, l'onagre brait douze fois pendant la nuit et douze fois pendant le jour. C'est pourquoi, en même temps, il représente le diable parce qu'il ne fait pas la différence entre le jour et la nuit.
    Tournant les pages, elle contempla la curieuse esquisse d'un dromadaire qu'elle montra du doigt.

    —
    J'en ai vu un quand mon père m'a emmenée à la Tour de Londres.
    D'après l'auteur, il rumine comme un bœuf et peut parcourir des centaines de milles en une seule journée.
    Elle ferma le livre et le déposa sur le lit.
    Murtagh trempait un linge dans la cuvette et se lavait. Kathryn remarqua le réseau de cicatrices sur son flanc et son dos.
    —
    Combien de blessures avez-vous, Irlandais ?
    —
    Plus que je n'en peux compter. Certaines sont dues à des batailles, d'autres à des combats dans des rues sombres ou des venelles puantes. Vous rebutent-

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