Le Testament Des Templiers
était possible que chacun mène à une maison.
Les murs étaient constitués des éternels blocs de calcaire, mais le sol était en lames de bois polies par le temps et recouvertes d’une mosaïque de grands tapis d’Orient dans différentes teintes de vert, de bleu, de rouge et de rose. La pièce était éclairée par des néons fluorescents industriels ordinaires fixés au plafond de plâtre. Des canalisations en cuivre couraient le long des parois.
Luc et Sara étaient assis côte à côte sur des chaises en bois le long d’un mur. Des menottes les liaient par le poignet à deux tuyaux en cuivre.
En face, un disque vinyle tournait sur un phonographe ancien. La pièce résonnait d’un air d’accordéon musette joué sur un rythme accéléré.
Au centre de leur geôle se trouvait une table pliante massive. Bonnet et le docteur Pelay s’affairaient au-dessus d’une énorme marmite en aluminium posée sur un grand serpentin électrique qui brillait d’un rouge éclatant. Le récipient aurait pu servir à une cantinière pour faire mijoter un ragoût pour deux cents hommes, et la louche était en proportion. De la vapeur montait de la marmite et répandait dans la pièce une espèce de parfum douceâtre, presque fruité.
Luc et Sara l’avaient déjà senti dans la cuisine de leur campement.
Bonnet poursuivait son interminable monologue, parlant fort à travers la pièce pour couvrir la musique. La scène était étrange, avec ce chef se livrant à une démonstration de cuisine devant un auditoire menotté.
« Vous savez probablement que ces plantes ne sont pas disponibles toute l’année, dit Bonnet. Nous devons les récolter quand elles sont en abondance et les engranger pour les mois d’hiver. Il fait bon et frais dans ce sous-sol et elles se conservent bien tant que nous les gardons au sec. Les baies et le liseron ne posent jamais aucun problème. C’est l’orge qui est difficile. Si les épis ne présentent pas ces excroissances noires ou pourpres, ils ne sont pas bons. Comment appelez-vous ces excroissances ? J’oublie toujours.
– Des sclérotes, répondit Sara machinalement, la gorge serrée.
– Je ne vous entends pas. Parlez plus fort, dit Bonnet.
– Des ergots, lui dit Pelay.
– Oui ! C’est ça, des ergots, répondit-il. Sans eux, ça ne vaut rien. Inutilisables. Il nous faut trouver l’herbe avec des épis comportant des excroissances pourpres. Alors nous pouvons nous y mettre. Il faut le cuire longtemps, mais pas le faire bouillir. Le faire mijoter, comme un bon cassoulet. Si vous le faites aussi souvent que Pelay et moi pendant toutes ces années, vous pigez le truc. Et il sort parfait chaque fois.
– Quel âge avez-vous, Bonnet ? » demanda Luc d’une voix forte.
Le maire s’arrêta de remuer et frotta sa barbe de plusieurs jours.
« Il faut toujours que je réfléchisse », répondit-il.
Pelay gloussa de l’entendre ainsi jouer la comédie.
« Je ne suis pas le plus vieux, vous savez. Ce Duval, l’éleveur de porcs, c’est lui le plus vieux. J’ai deux cent quarante-deux ans, mais ma femme trouve que j’en fais à peine cent quatre-vingts ! »
Pelay jugea cela hilarant et se mit à glousser comme une femme.
« J’ai appris à faire le thé auprès de mon père, Gustave. Il l’a appris de mon grand-père, Bernard, qui l’a lui-même appris de mon arrière-grand-père, Michel Bonnet. On raconte que mon arrière-grand-père était moine dans sa jeunesse à l’abbaye de Ruac, avant de renoncer à la vie monastique en 1307, l’année où les Templiers ont été exterminés. Pas mal, non ? Seulement quatre générations de Bonnet en sept cents ans ! »
Il y avait une sacoche en plastique sur la table. Bonnet en sortit un livre relié en cuir rouge, le manuscrit de Ruac.
Luc secoua la tête en le voyant.
« Vous avez du mal à lire ça, Bonnet ?
– Oui, justement, sauf pour le petit passage en latin que le type a écrit en 1307, qui correspond à la date concernant ma famille et que je viens de mentionner. Peut-être pourrons-nous vous persuader de nous dire ce qu’il raconte. Mais tant pis si vous ne voulez pas. Je crois que je sais suffisamment ce qu’il contient. Les images valent tous les mots. Ce Barthomieu qui avait deux cent vingt ans – je crois que lui et mon arrière-grand-père se connaissaient très bien.
– À quelle fréquence le buvez-vous ? demanda Luc.
– Notre thé ? Une fois par semaine. Toujours tard,
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