Le Testament Des Templiers
tenu du nombre de corps qui se tordaient sur le sol entre Bonnet et lui, il pensa qu’il pourrait gagner le couloir suivant en se baissant.
Il s’accroupit et progressa à petits pas le long du mur.
Il arriva à la hauteur de la table avec le service à thé. Le manuscrit de Ruac était à portée de main.
Il ne réfléchit même pas. Il se jeta à plat ventre et se mit à ramper.
Les corps nus ne lui prêtaient aucune attention. Il serra les dents et continua à avancer.
Il chercha Bonnet des yeux.
Il n’était plus sur sa chaise.
« Seigneur, pensa Luc. Seigneur. »
La seconde d’après, il était sous la table.
Il leva le bras et sa main se referma sur le volume.
Sara, j’arrive.
Il se glissa de nouveau vers le mur. Bonnet n’était visible nulle part, si bien qu’il se releva hardiment et fonça jusqu’au prochain couloir, le manuscrit enfoui dans sa chemise.
Il ouvrit la première porte venue.
Un vieux couple en sueur et haletant l’occupait.
Puis la deuxième porte.
Sur le lit se trouvait un homme avec le dos velu et un pantalon défait. Jacques s’efforçait maladroitement de s’en débarrasser d’une seule main. De Sara cachée sous la bête, on n’apercevait qu’une chevelure soyeuse châtain clair qui retombait en vagues sur l’oreiller.
Il y avait un lampadaire, un objet lourd en fer forgé.
Une rage meurtrière s’empara alors de lui, comme jamais auparavant.
Il attrapa la lampe, arrachant la prise du mur.
Il la balança comme une pioche, et en assena la base sur la colonne vertébrale de l’homme.
Et quand Jacques cambra le dos de douleur, relevant la tête de la poitrine de Sara et hurlant comme un chien à la mort, il fit tomber le pied de lampe de toutes ses forces sur son crâne, le broyant comme une noix. L’homme fut projeté à l’extérieur du lit.
Sara gémissait. Il la serra contre lui, nue, et lui dit que tout allait s’arranger. Ses yeux ne parvenaient pas à se fixer. Il continua à lui parler : son oreille était froide contre ses lèvres. À la fin, il entendit dans un souffle « Luc ».
Il n’avait pas le temps de la rhabiller. Il repoussa le corps de Jacques, et enveloppa Sara dans le couvre-lit maculé de sang. Il allait la soulever quand une idée lui traversa l’esprit. Il chercha dans les poches de Jacques. Par chance, le mobile de Jacques lui tomba sous la main. Il le regarda.
Aucune couverture, bien sûr. Ils étaient au sous-sol.
Il empocha le téléphone, emmaillota Sara et la prit dans ses bras, ouvrant la porte avec son genou.
Le couloir était désert.
Il se mit à courir avec elle, dans le sens opposé à la musique.
Il se sentait fort, et elle était toute légère.
Le couloir s’assombrissait à mesure qu’il s’éloignait de la salle principale. Il avait du mal à voir devant lui.
C’était un escalier.
Bonnet regarda sa montre une nouvelle fois, souleva ses lourdes hanches de la chaise, et retourna d’un pas pesant jusqu’à la chambre d’Odile pour voir comment ça se passait avec son amant.
Quatre années s’étaient écoulées depuis la naissance d’un nouvel enfant à Ruac. Il fallait qu’ils augmentent l’allure s’ils voulaient se maintenir. Odile était trop difficile à son goût. Une femme aussi séduisante qu’elle aurait dû produire des bébés à la chaîne.
Mais elle n’était tombée enceinte que trois fois pendant sa longue vie. Une fois pendant la Première Guerre mondiale, où elle avait fait une fausse-couche. Une nouvelle fois juste après la Seconde Guerre mondiale, un garçon engendré par un combattant de la Résistance de Rouen, qui était mort de la fièvre du nourrisson. Et au début des années 1960 encore, avec un Parisien qui voyageait sac au dos à travers le Périgord. L’aventure d’un soir.
Cette fois-là, une fille était née. Devenue une jolie petite fille, elle portait les espoirs de Bonnet et de tout le village sur ses frêles épaules. Mais elle était morte dans un accident stupide. Elle s’était amusée à grimper au sommet d’un tas de vieilles caisses allemandes empilées dans les sous-sols, quand l’une d’elles avait basculé et l’avait écrasée.
Odile avait sombré dans la dépression et, malgré les supplications de son père, s’était complètement désintéressée des hommes venus de l’extérieur.
Jusqu’à l’arrivée des archéologues.
L’unique bon côté du cauchemar en ce qui concernait Bonnet.
Bonnet ouvrit la porte,
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