Le Testament Des Templiers
ça.
– Je suis ravi pour toi, dit Hugo, sur un ton vaguement moqueur. Tu vas être très occupé et célèbre, tandis que je retournerai à mes pauvres petites affaires, et n’en sortirai que de temps en temps pour me réchauffer aux rayons de ta gloire. S’il te plaît, n’oublie pas complètement ton vieil ami. Peut-être l’appelleras-tu Pineau Simard ou, s’il le faut, Simard Pineau, et tu me jetteras des fleurs de temps en temps quand tu participeras à des débats.
– Ne sois pas si pressé de disparaître en coulisses, dit Luc en riant. Tu as du boulot.
– Ah oui ?
– Le manuscrit. Tu es l’homme du manuscrit, tu t’en souviens ?
– Il a certainement perdu un peu de son intérêt maintenant.
– Pas du tout, chuchota Luc. Le manuscrit fait partie intégrante de tout ça. Quand le moment sera venu de révéler tout ça au monde, nous devrons avoir compris son rôle. Il y a un contexte historique important qu’on ne peut pas négliger. Le livre doit être décodé, chuchota-t-il.
– Je pourrais effectivement faire quelques recherches, soupira Hugo.
– Auprès de qui ?
– As-tu jamais entendu parler du manuscrit de Voynich ? »
Luc secoua la tête.
« Disons, pour faire court, qu’il s’agit d’un manuscrit étrange, du XV e siècle peut-être, qui a été acquis aux environs de 1910 par un libraire spécialisé dans la vente des livres anciens, un Polonais du nom de Voynich. C’est vraiment quelque chose de fabuleux, un ensemble fantastique de dessins de plantes, de signes astronomiques, de procédés biologiques, de décoctions médicinales, et même de recettes, le tout écrit dans une calligraphie étrange et magnifique, et un langage qui a résisté à un siècle d’efforts de déchiffrage. Certains pensent que ce livre a été écrit par Roger Bacon ou John Dee, tous les deux des génies mathématiques en leur temps qui se sont un peu frottés à l’alchimie, alors que d’autres pensent qu’il s’agit d’un vaste canular du XV e ou du XVI e siècle. Quoi qu’il en soit, je le mentionne parce que, à ce jour, cryptographes amateurs et professionnels n’ont jamais réussi à le décoder. J’en ai croisé certains dans des conférences et des séminaires. Ce sont de vrais personnages avec un langage bien à eux. Il faut les entendre disserter sur le code de Beaufort, la loi de Zipf et autres balivernes du genre, mais je peux toujours prendre contact avec un des moins dingues et voir s’il veut bien jeter un coup d’œil à notre livre.
– D’accord, dit Luc. Mais reste très discret. »
Le couple à l’autre table se leva pour partir sans manifester la moindre intention de payer. Le jeune homme passa le premier la porte. La femme qui le suivait jeta un coup d’œil par-dessus son épaule en direction d’Hugo et esquissa de nouveau son semblant de sourire avant que la porte ne se ferme sur eux.
« Tu as vu ça ? demanda Hugo à Luc. La campagne a peut-être du bon après tout. »
À cet instant, trois hommes entrèrent dans le café. Deux étaient des ouvriers agricoles, à en juger par leurs mains sales et leurs chaussures boueuses. Le troisième, plus âgé, était propre et bien habillé. Il portait un costume, mais pas de cravate. Le propriétaire du café leur fit un signe de la tête de derrière le comptoir et s’adressa au plus âgé en l’appelant par son nom d’une voix forte.
« Bonjour, Pelay. Comment ça va ?
– Pareil qu’au petit déjeuner », répondit-il d’un ton bourru tout en dévisageant Luc et Hugo sans vergogne.
Le trio s’assit à une table dans le coin au fond et ils se mirent à parler entre eux.
Luc était mal à l’aise. Le propriétaire du café semblait communiquer du regard avec les hommes derrière eux et il avait l’impression d’être l’élément d’un jeu, comme le cochonnet dans une partie de pétanque. Chaque fois que Luc tournait la tête pour regarder derrière lui, les hommes détournaient les yeux et se taisaient. Apparemment, Hugo était parfaitement inconscient de cette petite comédie, à moins, se dit Luc, qu’il ne fût lui-même trop sensible.
Le tenancier cria par-dessus leurs têtes :
« Hé, Pelay, tu voudras un peu de lard plus tard ?
– Seulement s’il vient de chez Duval, répondit l’homme. Je ne mange que du lard de chez Duval.
– Ne t’en fais pas. Il viendra bien de chez Duval. »
Luc vit le tenancier retourner la pancarte « Ouvert » dans
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