Le Testament Des Templiers
visiter la grotte prétextant être trop claustrophobe pour se risquer à la spéléologie ; en revanche, il pourrait être un excellent avocat « de surface » pour leur travail dans la région. D’ailleurs, il avait déjà pensé à créer une attraction pour touristes, une grotte en fac-similé, un « Ruac II » sur le modèle de Lascaux II, et voulait connaître l’opinion de Luc à ce sujet. Luc lui expliqua patiemment qu’ils n’avaient pas encore commencé à étudier « Ruac I » mais qu’avec le temps beaucoup de choses seraient possibles.
Quand Taillefer demanda pourquoi ils en étaient arrivés à établir un campement sur les terres de l’abbaye, Luc lui raconta comment il avait été traité par le maire de Ruac ; en l’écoutant, l’édile gloussa d’un air entendu.
« Permettez-moi de vous dire que ce Bonnet est une honte, un imbécile fini, mais ne me citez pas, déclara-t-il. Je ne le connais pas bien, mais je sais parfaitement qui c’est. Vous ne devinez pas pourquoi ils sont tellement hostiles, lui et son village ?
– Non, répondit Luc.
– On raconte que le village s’est incroyablement enrichi grâce à la piraterie ! Vous n’avez jamais entendu dire ça ? Non ? Il se peut que ce soit une légende, mais il y a eu un célèbre détournement dans le Périgord au cours de l’été 1944, pendant la guerre. Les nazis transportaient une précieuse cargaison à bord d’un train militaire, des dépôts énormes pillés à la Banque de France, des œuvres d’art, des antiquités et d’autres choses du même genre, le tout en direction de Bordeaux pour y être remis aux autorités navales allemandes. La Résistance a attaqué la principale ligne de chemin de fer, près de Ruac, et s’est retirée avec un vrai pactole, peut-être deux cents millions d’euros actuels, ainsi que quelques très célèbres tableaux, dont le Portrait d’un jeune homme de Raphaël, tous destinés à Goering personnellement. Une partie du butin parvint à de Gaulle à Alger et fut utilisée à bon escient, mais le reste de cet argent et de ces objets d’art disparut dans la nature. Le Raphaël n’a plus jamais reparu. La rumeur veut que les braves gens de Ruac aient tout fait pour camoufler ce vol, mais vous savez ce qu’il en est de ces histoires. En tout cas, ne demandez jamais à quelqu’un du village de vous parler de la Résistance et du pillage du train, vous risquez de vous faire descendre ! »
L’adjoint de Taillefer lui rappela alors leur rendez-vous suivant : l’homme termina son verre rapidement et le tendit à Luc en le priant de l’excuser.
Luc essaya de retrouver Sara dans la foule, mais il fut happé par l’expert en art paléolithique, Zvi Alon, ainsi que par Karin Weltzer, la géologue du pléistocène, qui voulait discuter avec lui de la logistique pour le lendemain. Luc ne savait pas lequel des deux était le plus agressif, l’Israélien chauve avec sa tête en forme de balle, ou l’Allemande pugnace en salopette. Pendant qu’il s’efforçait de les calmer en leur donnant l’assurance qu’on tiendrait compte de tous leurs besoins, il remarqua Sara et le jeune archéologue espagnol, Carlos Ferrer, en train de bavarder.
Il allait se joindre à eux lorsque le journaliste du Monde , un dénommé Gérard Girot, s’approcha de Luc pour lui demander ses impressions en ce jour solennel. Luc lui répondit poliment, et l’homme se mit à gribouiller frénétiquement dans son carnet.
Du coin de l’œil, Luc vit Sara et Ferrer s’écarter de la lumière du feu de camp et se fondre dans l’obscurité.
Il lui restait encore du champagne, et il se surprit à vider son verre cul sec.
11
I ls ressemblaient plus à des astronautes qu’à des archéologues.
L’écosystème d’une grotte restée fermée pendant des siècles était quelque chose de très particulier. Toutes les conditions réunies – la température, l’humidité, le pH, et l’équilibre gazeux de la grotte maintenus grâce aux chauves-souris – permettaient de créer un environnement qui, dans ce cas précis, avait notamment contribué à une excellente préservation de l’art pariétal.
Le plus grand risque pour Luc était de perturber cet équilibre et de provoquer une réaction en chaîne occasionnant des dégradations, comme cela s’était produit ailleurs. À Lascaux, l’accès libre laissé aux chercheurs et aux touristes pendant des années avait d’abord conduit à une
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