Le tombeau d'Alexandre
pensaient de lui n’avait plus aucune importance. Il n’avait plus qu’un seul but : la guérison de sa fille. Son seul souci était donc de trouver un moyen d’utiliser cette découverte à cette fin. Le pillage n’était pas une solution. Contrairement à ce qu’Ahmed pensait, il n’y en avait pas pour tout le monde. Et s’il essayait de doubler les autres, ils le donneraient à la police. Cela lui coûterait cher. En tant que responsable du site, il était légalement tenu de faire part de cette découverte au Conseil suprême des Antiquités. Si on apprenait qu’il avait gardé le secret pour piller les lieux, il n’aurait plus le droit d’exercer son métier et finirait presque certainement en prison. Il ne pouvait pas prendre ce risque. Son revenu était dérisoire mais c’était tout ce qu’il avait pour éviter le pire à Leila.
La solution, lorsqu’il finit par la trouver, s’avéra si simple qu’il ne comprit pas pourquoi il n’y avait pas pensé plus tôt.
II
— Excusez-moi, vous pouvez me donner un coup de main ?
Knox leva les yeux du matériel et vit Roland Hinz qui tenait son énorme combinaison de plongée.
— Bien sûr, répondit-il en souriant. Pardon, j’étais ailleurs.
Il se campa derrière le gros Allemand pour le retenir au cas où il tomberait en essayant d’enfiler sa combinaison. L’opération s’annonçait délicate. Roland était banquier à Stuttgart et envisageait d’investir dans la dernière entreprise d’Hassan dans le Sinaï. Cette journée avait été essentiellement organisée en son honneur . Ivre de Champagne et bourré de cocaïne, il en profitait au maximum en tapant sur les nerfs de son entourage. À vrai dire, il n’aurait pas dû être autorisé à plonger, même dans une piscine, mais Hassan payait pour repousser les limites du règlement – et des combinaisons. Knox avait l’impression d’essayer de faire rentrer une couette dans sa housse. Roland n’en finissait pas de déborder aux endroits les plus inattendus. Et il trouvait cela irrésistiblement drôle. Tout l’amusait. Dans une énième tentative de se donner en spectacle, il fit semblant de trébucher et éclata d’un rire hystérique, tandis que Knox s’évertuait en vain à le maintenir debout. Les deux hommes finirent par tomber sous son poids. Étendu de tout son long sur le pont, il se tourna vers les autres invités comme s’il s’attendait à recevoir un tonnerre d’applaudissements.
Knox l’aida à se relever avec un sourire forcé et s’agenouilla à ses pieds pour lui mettre ses bottes de plongée. L’Allemand avait des pieds gras, rose et jaunâtre, avec de la crasse entre les orteils, comme s’il ne se les était pas lavés depuis des années. Knox oublia l’ingratitude de sa tâche en s’absorbant une nouvelle fois dans ses souvenirs. L’enthousiasme de Rick n’avait pas duré longtemps.
— Et ce catafalque a traversé le Sinaï ? avait-il demandé.
— Non, aucune source ne l’affirme.
— C’est pas vrai ! Tu m’as fait marcher !
Rick s’adossa brusquement à sa chaise avec colère.
— Tu veux que je te dise ce que nous savons ? proposa Knox.
— Vas-y, répliqua Rick encore contrarié. Dis toujours.
— Il faut d’abord que tu saches que nos sources sont très peu fiables. Nous n’avons aucun témoignage direct concernant la vie ou les campagnes d’Alexandre. Tout ce que nous savons nous vient d’historiens qui le tenaient eux-mêmes de récits de seconde, troisième, voire quatrième main.
— Je vois, le téléphone arabe...
— Exactement. Mais ce n’est pas tout. Quand l’empire d’Alexandre a été morcelé, chaque faction a voulu se mettre en avant au détriment des autres. Il y a donc eu beaucoup de propagande. Et à l’époque romaine, Alexandre est devenu une figure très emblématique. Les Césars le vénéraient ; les républicains le haïssaient. Les historiens ont donc fait un travail très sélectif, selon le camp qu’ils défendaient. D’une façon ou d’une autre, la plupart de nos sources sont extrêmement partiales. Il est très difficile de démêler le vrai du faux.
— Je comprends.
— Mais nous sommes presque sûrs que le catafalque a suivi l’Euphrate en direction du nord, de Babylone à Opis, avant de longer le Tigre vers le nord-ouest. C’était une procession magnifique et les curieux ont apparemment fait des centaines de kilomètres à pied pour la voir passer. Vers 322
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