Le tombeau d'Alexandre

qu’il était peu probable qu’ils en trouvent et, d’autre part, parce qu’ils auraient été en désaccord s’ils en avaient trouvé. Il n’avait évidemment pas l’intention de s’approprier un quelconque trésor. Mais plus ils cherchaient et plus Rick se prenait au jeu. Il avait été plongeur démineur dans la marine australienne pendant plusieurs années et donc membre des forces spéciales. A Charm el-Cheikh, il avait pu continuer à plonger mais n’avait plus aucun but. Leur quête commune lui en avait redonné un. Il avait même repris les études pour faire carrière dans l’archéologie sous-marine. Non content d’avoir emprunté les livres de Knox, il le harcelait de questions.
    Roland avait ses deux bottes aux pieds. Knox se releva, l’aida à attacher son gilet stabilisateur et procéda aux contrôles de sécurité. Puis il entendit des bruits de pas sur la passerelle, au-dessus de lui. Hassan arriva avec nonchalance. Il posa les coudes sur la rambarde et regarda en bas.
    — Messieurs, amusez-vous bien ! dit-il.
    — Comptez sur nous, répondit Roland avec enthousiasme. On s’amuse comme des fous !
    — Prenez tout votre temps, ajouta Hassan en souriant.
    Il tendit la main derrière lui et Fiona s’approcha avec réticence, les bras croisés, tremblante de froid ou de nervosité. Elle avait enfilé un pantalon en toile et un tee-shirt blanc, comme si une tenue plus modeste pouvait la protéger. Le haut de son bikini, encore humide, avait rendu son tee-shirt transparent et ses mamelons pointaient, hérissés de peur. Hassan vit Knox la regarder. Il sourit voracement et posa la main sur l’épaule de la jeune fille pour marquer son territoire, dans une attitude de défi.
    À Charm el-Cheikh, on racontait qu’Hassan avait égorgé un de ses cousins pour avoir couché avec une femme sur laquelle il avait jeté son dévolu.
    Knox baissa les yeux et regarda autour de lui dans l’espoir de trouver un allié avec qui partager le poids de la responsabilité. Max et Nessim, l’athlétique chef de la sécurité à qui rien n’échappait, vérifiaient mutuellement leur matériel. Il ne tirerait rien d’eux. Plus loin, Ingrid et Birgit, deux blondes scandinaves que Max avait ramenées pour le bon plaisir de Roland, étaient déjà en tenue de plongée, prêtes à descendre l’échelle de la poupe. Knox essaya d’accrocher le regard d’Ingrid, mais celle-ci se garda bien de se tourner vers lui.
    Il leva de nouveau les yeux vers la passerelle. Hassan le regardait toujours. Il semblait savoir exactement ce à quoi il pensait. C’était le mâle dans toute sa splendeur, qui savourait le défi. Son sourire s’élargit. Il laissa descendre sa main jusqu’à la taille de Fiona et lui empoigna fermement la croupe. Il était parti de rien pour devenir l’agent maritime le plus puissant du canal de Suez dès l’âge de trente ans. Pour réaliser une telle ascension, il n’avait pas dû être tendre avec les autres. Désormais, profitant de la crise immobilière consécutive aux récentes attaques terroristes, il essayait d’étendre son empire au secteur touristique en rachetant des propriétés en front de mer pour une bouchée de pain.
    Dans les rues de Charm, on disait aussi qu’il avait frappé un touriste américain, jusqu’à ce que celui-ci tombe dans le coma, pour avoir protesté lorsqu’il avait fait des avances à sa femme.
    Roland était enfin prêt. Knox l’aida à prendre l’échelle qui descendait dans la mer Rouge et s’agenouilla pour lui passer ses palmes afin qu’il puisse les mettre dans l’eau. Le gros Allemand bascula en arrière comme une roue hydraulique et revint à la surface dans un grand jet d’éclaboussures en riant comme un dément.
    — Attendez-moi, lui dit Knox. J’en ai pour une seconde.
    Il enfila rapidement sa combinaison, attacha son gilet stabilisateur et ses bouteilles, mit ses lunettes autour du cou et prit ses palmes à la main. Il commença à descendre l’échelle et, juste avant de la lâcher, jeta un dernier coup d’œil à la passerelle. Hassan le regardait toujours. A côté de lui, Fiona, les bras croisés sur la poitrine avec angoisse, les épaules rentrées, les cheveux en désordre, faisait subitement son âge. Celui d’une gamine qui avait rencontré un Égyptien sympathique dans un bar et pensait lui avoir soutiré une petite virée à l’œil, avec la certitude d’échapper à ses éventuelles attentes simplement en se