Le tombeau d'Alexandre
de l’importance d’être craint.
— Quelle est la seconde solution ?
— On retire notre plainte en disant que c’était un malentendu. On se débrouille pour faire taire la fille. Vous faites profil bas jusqu’à ce que vous soyez remis. Et pendant ce temps, on cherche Knox nous-mêmes.
Hassan rumina un bon moment en gardant le silence.
— Très bien, dit-il enfin. Mais je veux que vous vous en occupiez personnellement. Et je veux des résultats. C’est clair ?
— Très clair, monsieur.
Chapitre 7
I
C’était la première fois que Gaëlle allait à Alexandrie. Il y avait de la circulation le long de la Corniche. Les mâts des bateaux de pêche et des yachts cliquetaient sur le port de l’Est, dans une brise légère qui véhiculait ce doux bruit avec une vague odeur de marée. Gaëlle se laissa aller contre l’appuie-tête, la main en visière pour se protéger du soleil du petit matin, qui scintillait entre les grands hôtels rectangulaires aux couleurs défraîchies, les appartements et les bureaux parsemés d’antennes paraboliques. La ville se réveillait dans un gigantesque bâillement. Alexandrie avait toujours été la moins matinale de toutes les villes égyptiennes. Les boutiques levaient leur rideau de fer et baissaient leur store. Des hommes corpulents sirotaient leur café en terrasse en regardant sans broncher les jeunes qui passaient entre les voitures pour vendre des paquets de mouchoirs et de cigarettes. Les ruelles qui partaient du front de mer étaient sombres et étroites, presque menaçantes. Un tramway déjà débordant de passagers s’arrêta pour en prendre davantage. Un policier vêtu d’un uniforme d’un blanc éblouissant et coiffé d’une casquette leva la main pour faire passer les voitures sur la droite. Un vieux train de banlieue arriva sur un embranchement avec un fracas retentissant et une lenteur accablante. De jeunes garçons faisaient la course dans les wagons à bétail ouverts.
Elena regarda ostensiblement sa montre.
— Vous êtes sûre que nous allons dans la bonne direction ?
Gaëlle haussa les épaules. Elle n’avait pour s’orienter que la photocopie d’une carte issue d’un vieux guide touristique.
— Je crois.
Elena soupira bruyamment.
— Vous pourriez au moins faire un effort.
— C’est ce que je fais.
Elena était particulièrement désagréable ce matin. Gaëlle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’elle la punissait pour avoir enfreint les règles ou, du moins, qu’elle profitait de l’occasion pour l’exclure du chantier du Delta.
— Ça devrait être là-haut à gauche.
— Là-haut à gauche ? s’étrangla Elena. Nous sommes bien avancées.
Gaëlle se pencha par la fenêtre. Le manque de sommeil et le café lui donnaient mal à la tête. Il y avait un site de construction un peu plus loin, une immense tour en béton avec des barres d’acier semblables à des pattes d’araignée.
— Je crois que c’est là, dit Gaëlle en désespoir de cause.
— Vous croyez que c’est là ou c’est là ?
— C’est la première fois que je mets les pieds à Alexandrie ! Comment pourrais-je le savoir ?
Elena souffla comme un bœuf en hochant la tête mais, après avoir mis le clignotant à gauche, tourna pour franchir un portail et s’engagea sur un chemin défoncé. Tout au bout, trois Égyptiens avaient une discussion animée.
— C’est Ibrahim, murmura Elena, visiblement contrariée.
Gaëlle dut réprimer un sourire. Si sa chef avait su qu’elle jubilait !
Intimidée, elle sauta immédiatement hors de la camionnette. En général, elle était à l’aise dans sa profession, mais elle doutait de ses talents de photographe et vivait sa présence ici comme une imposture. Elle fit le tour du véhicule, comme pour vérifier le matériel. En réalité, elle se cachait.
Elena l’appela en criant. Gaëlle respira profondément pour se détendre, afficha un sourire et s’approcha.
— Mansoor, Ibrahim et Mohammed, annonça Elena en montrant tour à tour les hommes du groupe. Je vous présente Gaëlle.
— Notre chère photographe ! s’écria Ibrahim, apparemment ravi. Nous vous sommes très reconnaissants.
— Je ne suis pas vraiment...
— Gaëlle est une excellente photographe, coupa Elena avec un regard acéré. De plus, c’est aussi une experte en langues anciennes.
— Parfait ! Parfait ! commenta Ibrahim en souriant distraitement tandis qu’il regardait sa montre. Il
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