Le tombeau d'Alexandre
nouveau. Mohammed respira à fond et décrocha. Cette fois, c’était le docteur Serag al-Din.
— Monsieur el-Dahab. Comment allez-vous, votre femme et vous ?
— Nous allons bien, merci. Avez-vous nos résultats ?
— Bien sûr que j’ai vos résultats ! Pourquoi croyez-vous que je vous appelle ?
— Alors ?
— Attendez une seconde. J’ai perdu ma page.
Mohammed ferma les yeux et serra les poings. Allez, fils de chien. Dis quelque chose. N’importe quoi.
— Je vous en prie, supplia-t-il.
Il entendit des froissements de papier. Le docteur Serag al-Din se racla la gorge.
— Voilà ! s’exclama-t-il. C’est ça.
III
Il faisait presque nuit lorsque Ibrahim et Elena arrivèrent au Caire. Yusuf Abbas les attendait déjà dans une salle de conférence richement décorée. En pleine conversation téléphonique, il leur fit signe de s’asseoir.
Ibrahim démarra son ordinateur portable et attendit, les mains crispées, que Yusuf ait fini de parler mathématiques avec son fils. Il avait l’impression que son patron faisait tout pour qu’il se sente insignifiant. Il avait beaucoup de mal à travailler avec lui. C’était un homme extrêmement tatillon, qui s’était laissé grossir de façon grotesque depuis qu’il avait été nommé secrétaire général. Le voir s’extraire de sa chaise comme un vieux navire de guerre prenait la mer était un spectacle fascinant. Il s’y préparait largement à l’avance, bandant ses muscles comme le vent s’engouffrait dans les voiles déployées.
Le gréement crissait, l’ancre était levée et, hisse et oh, il était à flot ! Pour l’heure, il avait les avant-bras posés comme d’énormes limaces sur le bureau en noyer. De temps à autre, il portait un doigt à sa gorge, comme si son obésité était due à un dysfonctionnement thyroïdien plutôt qu’à la consommation ininterrompue d’aliments riches. Et quand il regardait une personne assise à côté de lui, il bougeait les yeux sans tourner la tête en faisant glisser ses pupilles avec une sournoiserie caricaturale. Il finit par mettre un terme à sa conversation.
— Qu’y a-t-il de si urgent ? demanda-t-il à Ibrahim. Je suis sûr que vous avez une bonne raison de venir jusqu’ici.
— En effet, répondit Ibrahim.
Et il montra à son patron les photos du niveau inférieur de la tombe en lui expliquant comment son équipe l’avait trouvé. Le visage de Yusuf s’éclaira lorsqu’il vit les coffrets funéraires.
— C’est de l’or ? demanda le secrétaire général.
— Nous ne les avons pas encore fait analyser. Mon premier geste a été de condamner l’accès au site et de vous informer.
— Très bien, convint Yusuf. Très bien. Vous avez bien fait.
Il se passa la langue sur les lèvres.
— C’est une remarquable découverte, reprit-il. Je vais superviser les fouilles personnellement.
Elena se pencha en avant, pas trop, juste assez pour accrocher son regard.
— Oui ? demanda-t-il.
— Nous avons parfaitement conscience de l’honneur que vous nous faites en nous accordant un peu de votre temps, monsieur le secrétaire général, car nous savons que vous êtes un homme extrêmement occupé.
Elena parlait arabe avec une certaine maladresse, mais sa position et son usage de la flatterie étaient impeccables.
— Nous nous réjouissons de voir que, comme nous, vous avez saisi l’importance historique de cette découverte, ajouta-t-elle. Et nous sommes ravis que vous soyez prêt à vous investir personnellement dans les fouilles. Cependant, ce n’est pas uniquement pour vous faire part de cette nouvelle extraordinaire que monsieur Beyumi et moi-même avons sollicité un entretien d’urgence. Nous souhaitons soumettre à votre considération et à votre discernement une autre découverte cruciale.
— Une autre découverte ?
— L’inscription.
— L’inscription ? Quelle inscription ?
Il regarda Ibrahim.
— Pourquoi ne m’avez-vous pas parlé de cette inscription ? demanda-t-il.
— Il me semble que je l’ai fait, monsieur le secrétaire général, répondit Ibrahim.
— Seriez-vous en train de me contredire ?
— Bien sûr que non, monsieur le secrétaire général. Veuillez m’excuser.
Il rouvrit la photo de l’inscription.
— Oh, ça ! Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que vous parliez de ça ?
— Excusez-moi, monsieur le secrétaire général. C’est de ma faute. Comme vous pouvez le voir, cette
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