Le tombeau d'Alexandre
inscription utilise l’alphabet démotique, mais il s’agit en réalité de grec. C’est une collègue de madame Koloktronis qui l’a déchiffrée. Je peux vous expliquer comment elle a fait, si cela vous intéresse. Sinon, voici une copie de la traduction.
Yusuf lut le texte en mastiquant comme s’il mangeait quelque chose. Ses yeux s’agrandirent lorsqu’il en comprit les implications. Les anciens Égyptiens désignaient Memphis sous le nom de Mur Blanc. Le mot désert venait de Desh Ret, « terre rouge ». Dans l’inscription, Alexandre était appelé le « fils d’Amon ». La terre de son père était donc l’oracle d’Amon, dans l’oasis de Siwa, où, selon les sources anciennes, il avait demandé à être enterré. En résumé, des porte-bouclier avaient volé la dépouille d’Alexandre à Memphis et l’avaient transportée à travers le désert occidental jusqu’à une tombe qu’ils lui avaient préparée non loin de l’oracle d’Amon, dans l’oasis de Siwa. Mais Ptolémée les avait poursuivis et ils s’étaient tous tués plutôt que de tomber entre ses mains. Tous, sauf Kalonymos, le frère d’Akylos, qui lui avait échappé. Plus tard, le rescapé avait ramené la dépouille de ses compagnons à Alexandrie pour tenir une promesse qu’il avait faite.
Quand Yusuf eut fini de lire, il cligna des yeux.
— Ce... ce texte est-il fiable ?
— La traduction est correcte, répondit Ibrahim avec circonspection. Je m’en suis assuré personnellement. Et nous pensons que nous pouvons ajouter foi à cette inscription. Comme vous avez pu le voir sur les photos du niveau inférieur de la tombe, ce Kalonymos s’est donné beaucoup de mal pour honorer ses compagnons. Il n’aurait pas fait tout cela pour un simple canular.
— Mais cela aurait été de la folie. Pourquoi ces hommes auraient-ils risqué leur vie pour une telle entreprise ?
— Parce qu’ils pensaient que la dernière volonté d’Alexandre avait été d’être enterré à Siwa, répondit Elena. Ptolémée est allé contre cette volonté lorsqu’il a commencé à construire une tombe à Alexandrie. Or, Alexandre était un dieu. Ses fidèles auraient fait n’importe quoi pour que ses vœux soient respectés.
— J’espère que vous n’essayez pas de me faire croire qu’Alexandre est enterré à Siwa, madame Koloktronis, soupira Yusuf.
Ibrahim comprenait les réticences de son patron. Au début des années 1990, une autre archéologue grecque avait annoncé aux médias du monde entier qu’elle avait trouvé la tombe d’Alexandre dans l’oasis de Siwa. Quand on avait décelé la supercherie, elle avait de nouveau prétendu l’avoir découverte sur un autre site. À la suite de cela, la présence du tombeau d’Alexandre à Siwa était devenue une sorte de plaisanterie au sein de la communauté archéologique.
— Non, affirma Elena. Le corps embaumé d’Alexandre a été exposé à Alexandrie des siècles après que cette inscription a été gravée. Personne ne peut le nier. Cependant, il est possible que les porte-bouclier se soient emparés de la dépouille et l’aient emportée à Siwa, où une tombe avait déjà été préparée.
Yusuf s’adossa à sa chaise et regarda Elena d’un air sévère.
— Donc, observa-t-il, la véritable raison de votre présence ici n’a rien à voir avec le site d’Alexandrie. En fait, si vous êtes là, c’est parce que vous pensez que, quelque part à Siwa, il y a – comment déjà ? – « une tombe remplie de richesses propre à accueillir le fils d’Amon ». Et vous voulez l’autorisation de faire des fouilles à Siwa.
— Alexandre a été le plus grand conquérant de l’Histoire, fit remarquer Elena. Un des plus grands pharaons d’Égypte. Si on découvrait sa tombe, imaginez ce que cela signifierait pour ce pays. Imaginez les honneurs qui échoiraient au secrétaire général dont le discernement aurait permis une telle découverte. Votre nom figurerait à juste titre parmi ceux des grands patriotes de la nation.
— Continuez.
— Vous n’avez rien à perdre. Je sais que les chances de trouver quelque chose sont extrêmement minces. Je sais que les ressources du Conseil suprême sont scandaleusement réduites. Mais il faut faire quelque chose. Quelque chose qui n’attire pas l’attention. Une étude épigraphique des antiquités, par exemple, réalisée avec l’autorisation du CSA. Il n’y aurait que moi et ma collègue. Un
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