Le tombeau d'Alexandre
boissons. Le copilote était même venu lui demander à quelle heure elle souhaitait repartir le lendemain matin.
A sa descente d’avion, elle fut accueillie avec une courtoisie obséquieuse par un officier de l’immigration venu à sa rencontre : « Tous les amis de monsieur Dragoumis sont les bienvenus, mademoiselle Bonnard... » Puis un chauffeur l’invita à entrer dans une Bentley bleue avant de la conduire à Thessalonique. Assise à l’arrière, elle admira le ciel nocturne entre les collines.
Elle arriva aux portes d’une propriété close, surveillée par des gardes, qui firent signe au chauffeur d’entrer. Au bout d’une longue allée, un palais blanchi à la chaux était éclairé comme dans un spectacle son et lumière. Monsieur Dragoumis, les mains derrière le dos, sortit accueillir Gaëlle en personne. Après tout ce qu’elle s’était imaginé pendant le trajet, elle fut à la fois surprise et soulagée de découvrir un homme à l’allure décontractée. Il n’était pas rasé et ressemblait à un paysan aux traits typiquement grecs. L’espace d’un instant, elle pensa que tout irait bien, qu’elle n’avait rien à craindre de lui. Mais lorsqu’elle s’approcha, elle constata qu’elle s’était trompée.
Chapitre 23
I
Pour se rendre à Ras el-Sudr, Knox coupa par l’intérieur des terres et passa par Tanta, la plus grande ville du Delta. Quelqu’un lui avait parlé de Tanta récemment, mais il ne se rappelait pas qui. Il avait presque entièrement traversé la ville lorsqu’il se souvint de la remarque désobligeante de Gaëlle à propos du concierge de son hôtel de Tanta. Il se gara au bord de la route. Il n’avait pas pris le temps de réfléchir au chantier de fouilles d’Elena dans le Delta. Il s’était passé trop de choses. Mais c’était peut-être une erreur. Surtout depuis que Nicolas Dragoumis était dans l’équation.
La Fondation archéologique macédonienne, pour laquelle Elena travaillait, était sponsorisée par Philippe Dragoumis. Or, celui-ci s’intéressait uniquement à la Macédoine et non à l’Égypte. S’il finançait des fouilles dans le Delta, c’était parce qu’il cherchait, s’il ne l’avait pas déjà trouvé, quelque chose de précis en rapport avec la Macédoine. Peut-être ces fouilles avaient-elles un lien avec celles d’Alexandrie. Knox eut envie d’en savoir plus.
Il retourna au centre-ville, chercha un bar possédant un annuaire et téléphona à tous les hôtels en demandant Elena Koloktronis. Il obtint un résultat à la cinquième tentative.
— Elle n’est pas là, répondit le veilleur de nuit. Elle est à Alexandrie.
— Son équipe est-elle encore là ?
— À qui souhaitez-vous parler ?
Knox raccrocha, nota l’adresse de l’hôtel et courut vers sa jeep.
II
Philippe Dragoumis et Gaëlle traversèrent le sol en mosaïque et franchirent une série d’arcades pour atteindre un salon dont les murs étaient ornés de splendides huiles et tapisseries. Philippe fit un petit geste indistinct et Gaëlle se retrouva assise sur une chaise habillée d’un tissu jaune, sans vraiment savoir pourquoi.
— Nous allons prendre un verre, annonça Philippe. Ensuite, nous nous mettrons à table. Vin rouge ? De mon domaine, bien sûr.
— Avec plaisir.
Gaëlle regarda autour d’elle tandis qu’il ouvrait lui-même la bouteille et remplissait deux verres. Un portrait à l’huile d’un homme à la barbe noire et au regard farouche, dont l’œil gauche était traversé par une vilaine cicatrice, tenait la place d’honneur au-dessus d’une immense cheminée. C’était un portrait de Philippe II, le père d’Alexandre le Grand. Les yeux de Gaëlle naviguèrent entre la peinture et Dragoumis. Elle comprit que son hôte entretenait une certaine ressemblance avec le roi de Macédoine, comme si la tache de naissance qu’il avait autour de l’œil gauche était une sorte de stigmate, comme s’il était la réincarnation de Philippe II.
— Vous n’y croyez pas vraiment ? demanda-t-elle de but en blanc.
Il rit d’un rire sonore et sans affectation.
— Ici, il y a un dicton qui dit : quand on traite avec les Chinois, il faut parler mandarin.
— Et quand on traite avec les superstitieux...
Il lui adressa un large sourire et fit un signe de tête en direction d’une autre peinture, une magnifique jeune femme à la peau brune vêtue comme une paysanne.
— Ma femme, indiqua-t-il. Je
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