Le tombeau d'Alexandre

de m’écouter. Alors j’ai fait appel à une personne dont j’étais sûr qu’il l’écouterait.
    — Mon père, dit Gaëlle abasourdie.
    — C’était un proche des Knox. Et je le connaissais, moi aussi. Je lui ai demandé de venir. Au début, il a été réticent. Les fouilles de Mallawi étaient sur le point de commencer, comme vous le savez. Mais je lui ai assuré que c’était une question de vie ou de mort. Et il est venu. Nous avons conclu un marché. Il emmenait Knox loin d’ici et je m’arrangeais pour calmer le jeu en Macédoine. Il est allé à son hôtel. Apparemment, Knox lui a fait tout un chapitre sur la résistance aux tyrans. Votre père l’a écouté poliment, puis il a versé quelques gouttes de somnifère dans son retsina. Lorsque le jeune homme s’est réveillé, ils se trouvaient tous deux à bord d’un bateau à destination de Port-Saïd. Pendant le trajet, votre père a eu le temps de le raisonner. Voilà pourquoi, mademoiselle Bonnard, je regrette que vous ayez été brouillée avec lui. Car cela ne serait jamais arrivé si je ne lui avais pas demandé d’intervenir.
     
    V
    — Alors c’est comme ça que tu as atterri en Égypte ? demanda Rick.
    — Et je n’en suis jamais reparti, répondit Knox. Mais devine qui j’ai vu cet après-midi ?
    — Dragoumis ?
    — Son fils, Nicolas.
    — Et il est aussi dangereux que lui ?
    — Pire. Bien pire. Je n’aime pas le père, mais on ne peut s’empêcher d’admirer ce qu’il a accompli. Et puis, il a des principes. Quand il donne sa parole, il la tient. Le fils n’est qu’un branleur qui n’a jamais rien fait de sa vie, tu vois le genre ?
    — Oui, je vois. Et tu crois que c’est lui qui a voulu se venger en organisant ton lynchage dans le désert ?
    — Oui.
    — Et tu ne vas pas le laisser s’en tirer comme ça, pas vrai ?
    — Exactement.
    — D’enfer ! s’écria Rick. Et c’est quoi, notre plan ?
    — Notre plan ?
    — Allez, vieux ! Ils sont plus nombreux que toi. Tu as besoin d’aide. Et je te l’ai dit, je m’ennuie ferme à Charm.
    — Si tu y tiens, ce serait génial.
    — Super ! Alors, on commence par quoi ?
    — On met le cap sur Tanta.
    — Tanta ?
    — Oui, répondit Knox en regardant sa montre. Et on n’a pas beaucoup de temps devant nous, alors je t’expliquerai quand on y sera.
     
    VI
    Dragoumis conduisit Gaëlle dans sa salle à manger. C’était une grande pièce dominée par une immense table en noyer, qui occupait toute la longueur. Deux couverts avaient été disposés à une extrémité de la table, éclairée par des chandeliers. Un domestique, debout à côté d’une desserte, s’apprêtait à servir un plat, un ragoût de couleur sombre agrémenté d’épices exotiques.
    — Excusez la simplicité de mes goûts, dit Dragoumis. Je n’ai jamais été un fin palais. Si vous aimez la grande cuisine, c’est avec mon fils qu’il faut dîner.
    — Je suis sûre que c’est délicieux, affirma Gaëlle d’une voix hésitante. Pardonnez-moi, monsieur Dragoumis, mais il faut que je sache. M’avez-vous fait venir jusqu’ici uniquement pour me parler de mon père ?
    — Non. Je vous ai fait venir pour vous demander de l’aide.
    — De l’aide ? À quel sujet ?
    Dragoumis se pencha en avant. Un chandelier illumina son regard et donna à ses iris bruns des reflets mordorés.
    — Le message crypté parle d’une tombe remplie de richesses propre à accueillir le fils d’Amon, à Siwa.
    — Vous êtes au courant ?
    — Bien sûr, lança Dragoumis avec impatience. Il dit aussi que les porte-bouclier se sont tués avant que Ptolémée ne puisse... leur faire dire où se trouvait cette tombe.
    — En effet.
    — Avez-vous déjà entendu parler d’une tombe à Siwa, propre à accueillir un homme comme Alexandre ?
    — Non.
    — Il ne reste donc plus qu’à la découvrir.
    — Si toutefois elle a existé.
    — Elle a existé, certifia Dragoumis. Elle existe. Dites-moi, mademoiselle Bonnard, ne serait-ce pas merveilleux de la découvrir ? Quelles richesses peut bien contenir une tombe propre à accueillir le plus grand conquérant de l’Histoire ? Les armes des guerres de Troie qu’on lui avait données ? Son exemplaire personnel d’Homère, annoté par Aristote ? Soyez franche : ne mourez-vous pas d’envie d’être la première à le savoir ? La célébrité. La richesse. L’admiration. Vous ne vous demanderiez plus jamais, dans les