Le Tombeau De Jésus

beaucoup d’habitants sur la planète. La population de l’ancien Israël était moins nombreuse que celle de l’actuel Brooklyn. Et il y avait moins de gens à Jérusalem que dans un grand stade de football. Par ailleurs, seule une infime minorité avait les moyens d’être inhumée dans un tombeau à ossuaires. J’ai compris soudain que le fait de relier l’inscription d’un ossuaire au Jésus historique n’était pas absurde ; on devait pouvoir identifier des personnages importants de cette époque et les associer à leurs ossuaires. Autrement dit, il n’est pas plus surprenant de retrouver dans la Vallée des Rois les momies des pharaons (après tout, seules les élites de l’Égypte antique avaient les moyens de se faire momifier) que de découvrir les ossements des disciples de Jésus – comme ceux de son « frère Jacques » – inhumés à Jérusalem. Seule une classe privilégiée pouvait s’offrir un enterrement secondaire et, sur un plan historique, la famille de Jésus, très célèbre à Jérusalem, ne pouvait qu’en faire partie.
    Quand Hershel me parla de l’ossuaire de Jacques, je n’ai pas pensé à toutes les implications possibles de cette découverte. Je retenais simplement que l’usage des ossuaires dans l’ancien Israël était circonscrit à la seule époque de Jésus, et qu’il contribuait à expliquer l’épisode du tombeau de Joseph d’Arimathie. Je fus également surpris d’apprendre que les Évangiles indiquaient explicitement que Jésus avait des frères : Jacob (Jacques), Simon, Joseph et Judas.
    L’ossuaire «  Yakov bar Yoseph, achiv de Yeshua  » (« Jacques fils de Joseph, frère de Jésus ») représentait sans doute la plus grande découverte archéologique de tous les temps. Après tout, on avait là – gravée dans la pierre – la preuve archéologique de l’existence de Jésus de Nazareth. J’ai demandé, pour cet ossuaire, l’exclusivité des droits pour la télévision et l’ai obtenue.
    Et si c’était un faux ?
    Il est inutile de fabriquer un faux ossuaire, car n’importe qui peut en acheter un au marché aux antiquités de Jérusalem pour la somme modique de 500 dollars, s’il ne porte ni inscriptions ni ornementation. En fait, les ossuaires connaissent un certain succès aujourd’hui, mais pas dans un but funéraire. Les gens les utilisent comme jardinières, surtout les étrangers vivant en Israël. La femme d’un ambassadeur a acheté à prix d’or de petits ossuaires pour bébés car, du fait de leurs modestes petites dimensions, elle pouvait les placer sur une table basse. Pour 2 000 dollars, on peut acquérir un magnifique ossuaire ornementé et gravé. Quand on examine de près les ossuaires en vente dans divers magasins d’antiquités de Jérusalem, on s’aperçoit qu’il reste souvent ce que les médecins légistes appellent des « résidus humains » au fond et sur les parois internes. Ce fait devait également constituer un élément majeur dans l’enquête sur le tombeau de Jésus.
    Il est également intéressant d’évoquer comment les magasins d’antiquités se fournissent en ossuaires. En Israël, les autorités religieuses et les archéologues ont conclu un accord qui interdit les fouilles de tombes anciennes, pour ne pas perturber les morts. Bien sûr, cet accord ne satisfait en rien les archéologues israéliens, mais la perspective de se retrouver bombardés de pierres lancées par une horde de juifs orthodoxes sur un site n’a rien d’exaltant non plus. En effet, ces derniers considèrent les fouilles comme une profanation de sépulture. En Israël, les questions religieuses sont éminemment politiques et les autorités rabbiniques ne tolèrent aucun manquement à cet accord, même quand les scientifiques peuvent démontrer que la tranquillité des morts ne sera pas perturbée. Je me suis entretenu avec rabbi Schmidl, qui dirige l’organisme Atra Kadisha, consacré à la sauvegarde des sites funéraires juifs. Rabbi Schmidl est également chargé des relations avec la communauté des archéologues. Je lui ai fait remarquer qu’en interdisant l’accès des tombeaux aux archéologues israéliens, il laissait les coudées franches aux pilleurs de tombes pour profaner ce qu’il était précisément censé protéger. Ce raisonnement le laissa de marbre : « Ce que les archéologues font, je peux le contrôler. Ce que les pilleurs de tombes font ne concerne que leur conscience et leur dieu. Pour leur