Le Tombeau De Jésus
de Jésus. Il vient de l’hébreu ebion, qui signifie « pauvre, misérable ». C’était probablement le titre que portaient ceux qui avaient renoncé aux biens terrestres pour se consacrer à l’édification spirituelle. Les premiers adeptes de Jésus ont été également appelés « nazaréens » ou, plus tard, « judéo-chrétiens ». Le terme « nazaréen » nous a également été transmis par les premiers auteurs chrétiens. La différence entre « ébionites » et « nazaréens » n’est pas claire, mais certains spécialistes pensent que les ébionites étaient des juifs qui ne croyaient pas à la divinité de Jésus tout en le considérant comme le Messie. Les « nazaréens », de leur côté, étaient des juifs qui adhéraient aux dogmes du christianisme naissant, notamment la conception virginale de Jésus et la Sainte Trinité. Le terme « judéo-chrétien » est une invention moderne qui se réfère à la fois aux ébionites et aux nazaréens – un terme fourre-tout qui désigne l’ensemble des partisans juifs de Jésus au début du christianisme. Sukenik était convaincu que nombre des tombeaux et ossuaires découverts à Jérusalem appartenaient à des judéo-chrétiens.
L’étude des judéo-chrétiens a été et reste une spécialité controversée tant par les juifs que par les chrétiens. Kloner n’avait aucune envie d’être impliqué dans de telles querelles théologiques. Pourquoi le sujet est-il aussi tabou ? Commençons par aborder la question du point de vue de l’Église.
Selon la plupart des érudits, Jésus fut crucifié vers l’an 30. Le christianisme est devenu la religion officielle de l’Empire romain sous l’empereur Constantin en 315. Trois siècles séparent donc la crucifixion de Jésus – accusé de sédition contre l’Empire romain – de son élévation au statut de Dieu de ce même empire. Durant ce laps de temps, ses adeptes passèrent de la condition de secte juive persécutée à celle de force religieuse dominante du monde civilisé. Tout cela s’accomplit alors que d’autres rebelles juifs, notamment Bar-Kokhba, défiaient l’autorité romaine.
Pour qu’une secte juive persécutée accède au statut de religion universelle, il fallut que les disciples non juifs de Jésus se séparèrent des judéo-chrétiens. Avant la destruction de Jérusalem en 70, c’eût été une tâche impossible. Jésus, sa famille, ses apôtres et tous ses partisans sans exception étaient juifs. Mais après sa crucifixion, un groupe de « gentils », conduit par un juif nommé Saül (qui deviendra l’apôtre Paul), entreprit d’éclipser le groupe juif originel.
La lutte entre les disciples juifs et gentils de Jésus n’avait pas lieu d’être avant la chute de Jérusalem. Tant que le Temple fonctionnait, les ébionites dirigeaient le mouvement chrétien primitif. Paul lui-même ne pouvait pas ignorer le rôle primordial de Jacques, le « frère du Seigneur » (Galates 1,19) et chef des ébionites. Mais après la destruction du Temple et de Jérusalem, le mouvement originel s’effondra et sombra dans les oubliettes de l’histoire. Selon la légende, les judéo-chrétiens s’enfuirent à Pella, aujourd’hui en Syrie, survécurent quelques décennies puis se fondirent dans la chrétienté des gentils, ou bien retournèrent dans le giron du judaïsme rabbinique.
Les Pères de l’Église, qui définirent le christianisme tel que nous le connaissons aujourd’hui, ignorèrent les ébionites et les nazaréens ou bien les traitèrent comme des hérétiques. Le témoignage des compagnons du Jésus historique était à vrai dire embarrassant car il confrontait la jeune communauté à des questions comme celle-ci : « Si Marie était vierge, comment se fait-il que Jésus ait eu quatre frères et deux sœurs ? » Les Pères de l’Église résolurent ce problème en décrétant que ces frères et sœurs étaient en réalité des cousins. Mais il y avait d’autres questions, encore plus difficiles à contourner, par exemple celle-ci : « Si Jésus et ses disciples observaient le Shabbat, les règles de la kashrout et pratiquaient la circoncision, pourquoi les chrétiens ne le font-ils pas ? » Bien sûr, on pouvait toujours trouver des réponses théologiques, mais il était plus simple d’ignorer les descendants de ceux qui avaient jadis marché au côté de Jésus. Soyons clairs : en demeurant des juifs pratiquants, les judéo-chrétiens
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