Le Tombeau De Jésus

m’avait toujours laissé perplexe. Si Jésus était mort trois jours avant sa résurrection, comme le stipule le dogme chrétien, pourquoi une tombe n’avait-elle pas été creusée pour l’inhumation du corps ? Pourquoi avoir placé le corps dans le tombeau de famille de l’un de ses disciples, un homme d’influence appelé Joseph d’Arimathie ?
    Selon la loi juive, et Jésus était un Juif, le corps d’un supplicié doit être enseveli dans la terre avant le coucher du soleil, le jour même de sa mort. Je me suis toujours demandé à quelles sortes de pratiques funéraires faisaient allusion les quatre Évangiles. Aujourd’hui, j’ai la réponse : les ossuaires. Manifestement, certains Juifs de Galilée et de Jérusalem pratiquaient l’enterrement secondaire à l’époque de Jésus. Et manifestement, les disciples de Jésus appartenaient à ce groupe.
    Par la suite, je me suis procuré tous les textes publiés traitant des tombeaux et des ossuaires en Israël. Les raisons de mon enthousiasme étaient liées aux informations historiques que recelait cette coutume. Étant donné le créneau historique très bref – à peu près un siècle – durant lequel les ossuaires étaient en usage dans la région de Jérusalem, ils sont en eux-mêmes un système de datation. On n’a pas besoin d’un test compliqué au carbone 14 pour déterminer qu’ils remontent au I er siècle et, plus précisément, qu’ils sont contemporains de Jésus.
    En outre, d’une manière générale, la pratique des ossuaires ne s’était pas répandue dans les masses. Le prix de l’immobilier était très élevé à Jérusalem, tout comme aujourd’hui d’ailleurs. Seules les élites – religieuses, politiques et économiques – avaient les moyens de s’offrir des tombeaux ou des cryptes pour y déposer leurs ossuaires. Les pauvres étaient ensevelis loin des remparts de la ville, soit dans des cavités creusées dans la pierre calcaire, soit dans la terre meuble. Seuls ceux qui avaient les moyens de faire construire un tombeau et avaient une raison religieuse de choisir cette forme particulière d’enterrement étaient inhumés dans des ossuaires. Il est probable qu’ils croyaient à la résurrection physique 1 . C’était, si l’on peut dire, le système de « cryopréservation » de l’époque. Les fidèles étaient inhumés dans des ossuaires orientés vers le Temple – la Maison de Dieu qui couronne le mont Sion, le centre sacré du judaïsme, l’une des merveilles du monde. En d’autres termes, les personnes inhumées ainsi étaient aux premières loges pour attendre l’Apocalypse, car de nombreux juifs croyaient au Messie promis pour la rédemption du monde, celui qui viendrait annoncer la « fin des temps » sur le mont du Temple. Jésus lui-même annonça que le Temple serait détruit et qu’il le reconstruirait en trois jours. Manifestement, il n’y a rien de « typique » dans la pratique de l’enterrement secondaire chez les juifs. Mais dire que l’usage d’ossuaires est peut-être associé avec le christianisme primitif, c’est admettre que la plupart des restes humains trouvés à Jérusalem de nos jours ont pu appartenir à des disciples de Jésus. Dans un État juif, cette idée a peu de chances d’être acceptée.
    La plupart des ossuaires sont ornés d’éléments sculptés. Nombre d’entre eux arborent des symboles religieux. Certains sont reconnaissables ; d’autres n’ont pu, à ce jour, être déchiffrés. Vingt pour cent des ossuaires portent des inscriptions, généralement le nom du défunt. Parfois, des éléments biographiques sont inscrits, par exemple « mère » ou « père ». Ces inscriptions devaient se révéler d’une valeur inestimable pour le travail de détective mené autour du tombeau de la famille de Jésus.
    Dès que j’en eus appris davantage sur les ossuaires, je me suis demandé pourquoi les spécialistes du Nouveau Testament en faisaient rarement mention. Par ailleurs, j’ai longtemps étudié l’histoire juive. Pourquoi les études concernant cette période n’évoquent-elles pas les ossuaires ? Pourquoi n’y a-t-il pas de cours sur ce sujet dans les programmes d’enseignement religieux, qu’ils soient juifs ou chrétiens ? Après tout, grâce à ces ossuaires, nous disposons d’un véritable « annuaire » de l’élite politique, économique et religieuse de Jérusalem au temps de Jésus.
    A cette époque, il n’y avait pas