Le Tombeau De Jésus
part, les archéologues n’ont que ce qu’ils méritent. La plupart d’entre eux traitent les os des anciens avec un mépris athée, en les conservant dans des boîtes, dans les caves de l’Autorité des antiquités israéliennes, ou en les jetant à la poubelle. »
Conséquence de ce statu quo, les tombeaux ne peuvent aujourd’hui être fouillés que lorsque des bulldozers les mettent au jour au cours de travaux de construction. Les ossuaires découverts dans ces circonstances sont stockés dans les vastes réserves de Beth Shemesh – la ville de Samson, le héros biblique. Il arrive aussi que les archéologues examinent des tombeaux lorsque de jeunes Palestiniens, qui sillonnent les campagnes à la recherche de reliques à revendre, ont pillé un site funéraire et décampé en emportant une partie de ses trésors. Bizarrement, si vous êtes pris en train de piller un tombeau, vous serez arrêté et poursuivi en justice. Mais si vous agissez ni vu ni connu et que vous revendez votre butin à un magasin d’antiquités autorisé, ce butin devient automatiquement légal et vos activités délictueuses deviennent rétroactivement « kasher ». En conclusion, il n’y a aucune raison de fabriquer de faux ossuaires, car on peut facilement s’en procurer.
Pour les inscriptions, c’est tout autre chose. Peu après l’annonce de la découverte de l’ossuaire de Jacques, certains spécialistes sortis d’on ne sait où déclarèrent que l’inscription était un faux, ou plus exactement que seule la deuxième partie – « frère de Jésus » – était contrefaite, tandis que la première – « Jacques, fils de Joseph » – était authentique. Selon cette thèse, les deux derniers mots de cette inscription en araméen furent ajoutés par un faussaire, bien décidé à faire croire n’importe quoi au monde et à tirer profit de ce qui serait certainement considéré comme la relique la plus sacrée de la chrétienté.
Au cours de cette première conversation avec Hershel, nous n’avons pas évoqué ces questions. Il m’a seulement révélé que l’ossuaire appartenait à un collectionneur privé de Tel-Aviv et qu’il avait été expertisé et authentifié par la Israël Geological Survey et par le célèbre épigraphiste André Lemaire, professeur à la Sorbonne. Il ne m’en fallait pas plus pour me lancer dans une aventure qui aboutirait à un documentaire d’une heure pour la chaîne Discovery Channel, intitulé Jacques, frère de Jésus et diffusé dans le monde entier. J’ai eu droit aux gros titres de la presse internationale, mais mon bonheur fut de courte durée car la contre-attaque des milieux universitaires se déchaîna aussitôt. Quand mes détracteurs affirmèrent que la seconde partie de l’inscription était contrefaite, on eut tendance à les croire sans même chercher à prendre en considération les preuves en faveur de son authenticité. Mais pour moi, il était déjà trop tard. Alors que l’« ossuaire de Jacques » était discrédité, Jacques m’avait d’ores et déjà introduit dans sa famille.
Amos Kloner est un petit homme au sourire espiègle. Des années durant, il a travaillé à l’Autorité des antiquités israéliennes et est devenu un expert des tombeaux de la région de Jérusalem. C’est lui qui a rédigé le catalogue de ces sites funéraires. J’ai rencontré Kloner pour la première fois en 2003 dans l’ancien entrepôt de l’AAI à Jérusalem, avant son transfert à Beth Shemesh. Ce bâtiment était devenu trop petit pour les innombrables découvertes de l’AAI, depuis les outils de l’âge de pierre jusqu’aux canons turcs du XIX e siècle, en passant par les épées des croisés. De nombreuses civilisations ont laissé leur marque sur la Terre promise et l’entrepôt de l’AAI est le gardien de leurs vestiges.
Dans les anciens sous-sols de l’AAI, auxquels on accédait par un escalier métallique en colimaçon, il fallait marcher sur des artefacts avant de découvrir les objets recherchés. Pour replacer l’ossuaire de Jacques dans son contexte, j’entrai en contact avec le Dr Kloner, car il existait un seul autre ossuaire mentionnant un frère. En voici l’inscription : « Shimi, fils de [illisible] frère de Chanin [ou Chanaya] ». Le nom du père n’avait pu être déchiffré. Il existe cependant un célèbre rabbi dans le Talmud, un faiseur de miracles nommé Chanaya ben Akasha. Si l’ossuaire de Shimi pouvait être
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