Le Tombeau De Jésus

frère de Jésus », et voilà que cet homme m’apprenait qu’un ossuaire portant l’inscription « Jésus fils de Joseph » avait également été découvert.
    — Où est-il ? ai-je demandé.
    — Ici, répondit Kloner, qui alla aussitôt rejoindre la jeune étudiante assise à l’entrée pour l’entretenir de ses examens.
    Elle avait une vingtaine d’années, était jolie et légèrement pédante. Elle travaillait à temps partiel dans les sous-sols de l’AAI. Kloner lui demanda d’aller chercher « Jésus fils de Joseph ». Elle s’exécuta sans enthousiasme. Ses doigts ne tremblèrent pas quand elle compulsa son fichier ; elle me conduisit à travers les rangées d’ossuaires reposant sur des étagères ou alignés à même le sol. En souriant, elle désigna du doigt l’ossuaire le plus ordinaire qu’il m’ait été donné de voir.
    — Regardez, l’inscription est ici, sur le côté, dit-elle.
    — C’est à peine lisible, comme une ordonnance de médecin que seul un pharmacien peut déchiffrer, ajouta Kloner en riant.
    Je braquai le faisceau de ma lampe torche sur les lettres que Kloner effleurait de ses doigts.
    Je m’efforçai de rester calme, mais quelque chose me dit qu’il ne s’agissait pas d’un ossuaire parmi d’autres. Kloner m’apprit qu’il l’avait trouvé dans un tombeau à Talpiot-Est, un faubourg à mi-chemin entre Jérusalem et Bethléem. Il avait été mis au jour par des bulldozers en 1980, au cours des travaux de construction d’immeubles d’habitation. Kloner avait été envoyé sur les lieux en compagnie de Yoseph Gat, un archéologue israélien d’origine roumaine, aujourd’hui décédé, pour procéder aux investigations scientifiques, et ils avaient extrait dix ossuaires du tombeau, dont celui-ci.
    — Y avait-il d’autres inscriptions ? demandai-je.
    Il s’esclaffa :
    — Je préfère ne rien vous dire, sinon vous allez sauter en l’air en hurlant : « J’ai retrouvé la famille de Jésus ! »
    Je n’ai pas ri. Je me suis forcé à sourire :
    — Quels autres noms y avait-il dans ce tombeau ?
    — Si je me souviens bien, il y avait un «  Matia  » (Matthieu), un «  Yoseph  » (Joseph) et deux « Marie ».
    — Et vous considérez cette série de noms comme non significative ?
    — En effet. Marie, ou Myriam, était le prénom féminin le plus courant en Israël au I er siècle. Si vous vous trouviez sur un marché à l’époque et que vous criiez « Myriam ! », la moitié des femmes se retournaient vers vous. C’est la raison pour laquelle il y a tant de Marie dans les Évangiles. Tout le monde s’appelait Marie. Une Marie à côté d’un Jésus sur un ossuaire ? Croyez-moi, il n’y a pas de quoi fouetter un chat !
    — Vraiment ? Combien d’autres tombeaux avec deux Marie, un Joseph et un Jésus avez-vous découverts ?
    — Aucun. Mais ne vous emballez pas, la seconde Marie n’est pas Marie Madeleine. Son nom est Mariamne, une version grecque, maccabéenne, de « Myriam ». L’une des femmes d’Hérode le Grand portait ce nom. Mais aucune femme proche de Jésus ne s’appelait Mariamne. Je suis désolé pour vous, monsieur Jacobovici, conclut-il en riant avant de quitter la salle.
    Je restai dans le sous-sol, les yeux rivés sur l’inscription. Même moi, profane en la matière, je pouvais aisément distinguer les lettres « Jésus fils de Joseph ». J’ai regardé autour de moi pour m’assurer que personne ne m’observait et j’ai enlevé le couvercle de l’ossuaire. Il était vide, mais, au fond, incrustés dans une sorte de terre rougeâtre au milieu de fragments de calcaire qui s’étaient détachés des parois, il y avait des restes humains.
    Ron Pappin est un personnage. Originaire de Timmins, une ville minière du nord de l’Ontario, il a fait tous les métiers, depuis quincaillier jusqu’à gardien de phare. Il fait partie de ces êtres inadaptés à leur environnement. Devenu expert en histoire ancienne, il est capable de décrire les rues de la Rome antique mieux que celles de New York, alors qu’il n’a jamais quitté le Canada. Il y a longtemps de cela, il a décidé que s’il était condamné à voyager uniquement en imagination, il préférait visiter le monde ancien.
    Ron était sur le point d’obtenir un doctorat en histoire de l’Antiquité à l’université de Toronto quand son épouse, beaucoup plus jeune que lui, contracta la maladie de Charcot, ou sclérose