Le Tombeau De Jésus
nouveau facteur aurait pour effet de diminuer la valeur statistique des noms qui s’y trouvaient.
Étant donné que Simon était aussi un frère, on pourrait considérer que la présence d’une inscription « Simon » dans le tombeau accroît la probabilité qu’il s’agisse bien du tombeau de famille de Jésus, et inversement que son absence diminue cette probabilité. L’idée était donc de factoriser tous les frères manquants.
Matthieu ayant été considéré comme statistiquement neutre, Feuerverger décida en revanche de ne pas attribuer de valeur surprise aux apôtres manquants ou aux cousins.
L’absence d’un ossuaire portant l’inscription Joseph, le père de Jésus, était un autre facteur à prendre en considération. De l’avis général, Joseph était mort loin de Jérusalem et il était donc probablement normal qu’il ne fût pas enterré dans le tombeau de Talpiot. Feuerverger n’était pas certain que l’ajout d’une valeur négative « Joseph » fut nécessaire. De fait, l’inscription « Jésus, fils de Joseph » supposait l’existence d’un « Joseph, père de Jésus ». Selon ce raisonnement, si l’ossuaire de Jésus avait porté l’inscription « Jésus, fils de Joseph, frère de Jacques », cela aurait eu une valeur positive, et non une valeur négative, même si l’ossuaire de Jacques ne se trouvait pas dans le tombeau.
La première difficulté à laquelle fut confronté Feuerverger, le Simon manquant, fut vite surmontée. « Simon », comme « Matthieu », figurait parmi les noms les plus courants sur les ossuaires du I er siècle (un homme sur quatre). À tel point que dans un tombeau de dix ossuaires contenant cinq hommes, la probabilité de trouver un Simon constituait une certitude mathématique. Ainsi, l’absence d’un ossuaire « Simon » était équivalente à sa présence ; autrement dit, sa valeur était neutre.
L’absence des inscriptions « Jacques, frère de Jésus » et « Judas, frère de Jésus » dans le tombeau de Talpiot posait un problème différent. Le nom « Jacques » (ou Jacob), selon les calculs de Rahmani et d’Ilan, ne figurait que sur deux pour cent des ossuaires, soit 1 sur 50, et « Judas » sur dix pour cent, soit 1 sur 10. L’absence d’un « Jacques » et d’un « Judas » avait donc un impact négatif sur l’équation.
Feuerverger prit en compte tous ces éléments en divisant les 2,4 millions par un facteur 4, afin d’intégrer l’effet « parti pris non intentionnel » des sources historiques. À ce stade, la probabilité que la série de noms du tombeau de Talpiot puisse être due au hasard passa de 1 sur 2,4 millions à 1 sur 600 000. Il divisa ensuite ces 600 000 par 1 000, c’est-à-dire par le nombre maximum de tombeaux qui auraient pu exister à Jérusalem au I er siècle. Finalement, Feuerverger parvint à la conclusion qu’il n’y avait qu’une chance sur 600 pour que le tombeau de Talpiot ne soit pas celui de la famille de Jésus de Nazareth.
— Pas trop déçu par ces résultats ? demanda Feuerverger à Simcha.
— Ils sont bons. C’est comme si vous me proposiez de jouer à la roulette en me précisant que je n’aurais qu’une chance sur 600 de perdre ! Croyez-moi, je miserais toute ma fortune sans hésiter ! Et que se passerait-il, ajouta Simcha, si l’on découvrait que l’ossuaire « Jacques, frère de Jésus » provenait également de ce tombeau ?
— Vous voulez parler du prétendu ossuaire de Jacques ?
— Oui. S’il n’était pas si « prétendu » que cela ?
— Si on disposait de preuves à l’appui de cette thèse, et que « Jacques » puisse être inclus dans « l’équation Jésus »…
Il s’interrompit pour faire un rapide calcul dans sa tête.
— … alors, je pense que les probabilités s’élèveraient au moins à une chance sur 30 000. Mais sachez que, même sans « Jacques », un facteur probabilité de un sur 600 signifie que, par exemple, si vous inventiez un médicament anticancéreux qui ne connaîtrait qu’un échec sur 600 patients, vous feriez un excellent candidat pour le prix Nobel.
1. À l’heure où j’écris ces lignes, l’article de Feuerverger est évalué par le comité de lecture d’une prestigieuse revue statistique américaine, en vue de sa publication.
À l’ouest de Jérusalem, en Égypte, la Bibliothèque d’Alexandrie n’était plus qu’un tas de cendres, après avoir été
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