Le tresor de l'indomptable
informer le prêtre que la dépouille de Servinus serait conduite à l’église. Il demanda que l’on chante des messes de requiem pour le repos de son âme et de celle de Berengaria.
— Exposez-les ici cette nuit, ordonna-t-il en désignant le maître-autel. Que leurs corps soient entourés de cierges de cire pourpre. Célébrez les offices demain et faites-les enterrer avant la nuit.
Warfeld s’empressa d’acquiescer. Il était à présent gêné et désireux de se débarrasser de ce fouineur de clerc. Corbett et Ranulf quittèrent l’église, reprirent leurs montures et franchirent le portail du cimetière. Le magistrat se retourna pour regarder derrière lui. Castledene, Desroches et le père Warfeld, rassemblés sur les marches, discutaient ensemble.
— Nous n’apprendrons jamais la vérité grâce à eux, déclara Corbett.
— Quelle vérité, Messire ?
— C’est bien là la question, Ranulf, quelle vérité ?
Corbett rassembla les rênes et s’éloigna.
— En la matière, Ranulf, le temps est plus important que les preuves. Imagine-nous, moi et notre adversaire, comme deux limiers, deux chiens courants, galopant de chaque côté d’une clôture. Si mon ennemi court plus vite, il s’échappera ; si c’est moi le plus rapide, je l’attraperai ! Notre tueur veut agir avec promptitude. Il désire assouvir sa vengeance, découvrir ce qu’il en est du trésor et s’enfuir.
Corbett leva les yeux : le ciel était dégagé.
— Le temps change, observa-t-il. Il fait très froid, mais je crois qu’il ne neigera plus.
Il désigna du doigt un point à l’autre bout de la lande.
— Nous devons rendre visite à Lady Adelicia pour nous assurer de sa sécurité et, par-dessus tout – il adressa un clin d’oeil à son ami –, pour savoir si elle est sortie ce matin.
Ils passèrent par le pré communal croûté de gel. Le vent cinglant leur pinçait le nez, les joues et les oreilles. Le magistrat remonta sa chape. Quand ils parvinrent à Sweetmead, les sentinelles qui paressaient sous les porches et dans les coins se levèrent pour les accueillir. Elles affirmèrent au clerc que personne n’avait quitté la maison, mais ce dernier avait de sérieux doutes quant à leur stricte vigilance. Quoi qu’il en soit, Lady Adelicia ne semblait pas s’être absentée. Un pelisson fourré sur les épaules, pieds nus dans des housseaux, non coiffée, elle les reçut dans une petite pièce privée et les salua froidement. Le feu n’était pas très ardent et elle s’en excusa, puis se plaignit avec amertume de Berengaria, qui était censée être là pour la servir.
Corbett posa la main sur son bras :
— Madame, je vous apporte une triste nouvelle.
Il lui narra en détail ce qui était arrivé à St Alphege et la façon dont sa servante avait été étranglée. Lady Adelicia l’écouta, impassible, acquiesçant parfois, en levant la main et en agitant les doigts, seule manifestation d’une quelconque émotion.
— Lady Adelicia, continua le clerc, je vais être franc avec vous. Nous avons découvert que, quand vous retrouviez Wendover à L’Échiquier de l’espoir, Berengaria n’allait voir ni les étals ni les échoppes, mais rentrait en hâte à Sweetmead. Je crois qu’elle... comment dire ?... rendait certains services à votre époux.
Lady Adelicia demeurait immobile dans sa chaire, le regard fixé sur le maigre feu.
— Berengaria était comme une chatte dans une venelle.
Elle ne tourna même pas la tête et semblait se parler à elle-même dans un murmure.
— Elle vivait d’expédients et aucune vilenie possible ne lui échappait. J’ai compris que Sir Rauf était au courant de mes relations avec Wendover, mais qu’il n’en avait cure ! J’ai supposé que Berengaria pouvait en être responsable : quand nous nous rendions pour de bon au marché, elle paraissait disposer de plus d’argent qu’elle n’aurait dû. Et voilà qu’elle est morte. Pourquoi, Sir Hugh ?
Ce dernier haussa les épaules.
— Madame, avant que je poursuive, savez-vous où se trouve Lechlade ?
Elle montra le plafond du doigt.
— Il doit être vautré là-haut, ivre, je présume, comme à l’ordinaire.
Corbett s’excusa, ordonna à Ranulf de rester près de la jeune femme, sortit dans le couloir et monta l’escalier. Il passa devant la galerie où donnaient les chambres de Lady Adelicia et de Sir Rauf et emprunta un petit escalier. L’huis de la pièce qui lui faisait
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