Le tresor de l'indomptable
d’affaire. J’avais des soupçons à son sujet. J’étais aussi désespérée, avoua-t-elle. J’avais besoin de certains objets, de confort, d’un peu de luxe. Je voulais, de plus, écrire au roi. Lechlade ferait n’importe quoi pour s’offrir de la bière. Il a loué les services d’un scribe et l’a conduit dans mon cachot. Il m’a apporté ce qui m’était nécessaire : du linge, des vêtements chauds, du savon, de l’argent ; au moins, Castledene autorisait cela. Quand on est prisonnier, Maître Ranulf, on est privé de droits ; l’argent et l’or sont les seuls langages que les gens comprennent.
— Mais vous vous étiez sans doute mise en quête de la carte auparavant, n’est-ce pas ?
— Bien sûr, Sir Hugh. Depuis cette nuit-là elle m’obsédait. J’avais compris que Stonecrop détenait quelque chose de précieux. Quand je suis entrée dans le cabinet, j’ai constaté que Sir Rauf tenait un petit rouleau jauni par l’âge, mais je ne l’ai onc revu. N’oubliez pas, Sir Hugh, qu’il était rare que mon mari sorte. Quand c’était le cas, je furetais partout, mais je ne l’ai jamais trouvé.
— En avez-vous parlé à Wendover ?
— Oui. Au sommet de notre passion, je pense – elle cilla –, nous avons fait des plans et des projets. Nous mettrions la main sur la carte, trouverions le trésor et quitterions Cantorbéry pour commencer une nouvelle vie. Wendover y tenait beaucoup.
— Pensez-vous qu’il soit venu ici pour la chercher ? intervint Ranulf.
Lady Adelicia eut un petit rire sans joie.
— Sir Rauf n’aurait jamais introduit un homme comme Wendover chez lui, et moins encore pour fouiller dans ses affaires. Qui plus est, Maître Ranulf, Wendover est un voleur.
Corbett fixa Lady Adelicia qui lui répondit par un regard impavide.
— Laissons Wendover de côté pour l’instant. Vous savez, Lady Adelicia, dit-il en choisissant ses mots avec soin, que le trépas de votre époux est un vrai mystère. On l’a trouvé dans sa pièce de travail, la nuque enfoncée, et pourtant l’huis était fermé à clé et barré. La serrure est unique et spéciale. Il serait impossible de reproduire cette clé. D’ailleurs elle était pendue à la ceinture de votre mari, comme celle de votre chambre, dont vous détenez l’autre exemplaire, et cependant...
— Que voulez-vous dire, Sir Hugh ? l’interrompit Lady Adelicia d’un ton dur.
— Eh bien, Madame, pourquoi a-t-on occis Sir Rauf ? Rien n’a été volé, rien n’a été dérangé, alors pourquoi ? Et pourquoi en faire un tel mystère ?
— Sir Hugh, je ne peux répondre à cela.
— Et moi non plus, Madame.
Corbett se leva, sortit, et alla s’asseoir dans la chaire de cuir à haut dossier du cabinet. Il agrippa les accoudoirs. Et sentit à nouveau les entailles particulières. Curieux, il s’accroupit et les examina avec attention. Les rainures étaient récentes et tracées de façon égale sur chaque accoudoir. Corbett hocha la tête. Il y avait là quelque énigme, mais laquelle ? Il se rassit et regarda les étagères et les manuscrits qui y étaient empilés : rouleaux de vélin étiquetés, livres de comptes, memoranda, tous rangés et classés avec soin. Il était certain que Sir Rauf avait un jour possédé la Carte du Cloître. L’avait-il mémorisée avant de la détruire ? Si c’était le cas, pourquoi n’était-il pas parti chercher le trésor ? Qu’attendait-il ?
— Mais bien sûr ! s’exclama le magistrat en frappant les accoudoirs du poing. Il attendait...
— Quoi donc, Messire ?
Enveloppé dans sa chape, les pouces dans son ceinturon, Ranulf se tenait sur le seuil.
— Viens ici, dit Corbett en lui indiquant le tabouret.
Ranulf s’assit.
— Je pense que Sir Rauf a eu la Carte du Cloître, qu’il l’a apprise par coeur puis l’a détruite. Mais il attendait. C’était un homme intelligent ! Il savait que Castledene et Paulents, sans parler d’Hubert le Moine, étaient en quête du trésor. Il se méfiait aussi de son indiscrète de femme. Il n’a pas mis fin à ses rencontres galantes avec Wendover et s’est vengé en acceptant des faveurs sexuelles de Berengaria. Au bout du compte, il se serait adressé à la Cour du Consistoire, aurait fait appel à l’archevêque de Cantorbéry, pour demander l’annulation de son mariage. Une fois débarrassé de Lady Adelicia, une fois qu’il se serait cru en sécurité, il se serait servi de sa fortune, de
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