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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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pluies de la veille et de l’avant-veille avaient donné naissance à des monceaux de boue truffée d’immondices. Ce n’était pas un mince mérite que de s’y aventurer, mais quand il s’agissait de la sécurité des siens, et surtout de son bien-aimé Pierre-Augustin, Thérèse était capable de se hausser au niveau des grandes héroïnes. N’était-ce pas déjà une action bien méritoire, pour une femme qui n’avait pas dormi, que d’être allée assister à une messe ? La religion, d’ailleurs, n’avait jamais eu beaucoup d’importance pour elle puisqu’elle avait déjà un dieu, tout à fait terrestre et qui lui suffisait.
    Ce fut au nom de ce dieu quasi conjugal que, dans la journée, elle exigea doucement de Tournemine la promesse de ne rien tenter pour sortir de l’hôtel de Hollande tant que Pierre-Augustin ne lui aurait pas lui-même ouvert la porte.
    — Soyez certain qu’il ne vous retiendra pas plus longtemps qu’il ne faut. Lorsqu’il vous rendra la liberté vous pourrez la prendre en toute sécurité car il y a peu d’hommes mieux informés que lui. Mais jusque-là il serait trop bête, puisque les choses semblent se présenter assez bien, de tout remettre en question en vous faisant reconnaître. Les espions de Monsieur sont nombreux et ils ont de bons yeux.
    — Ce serait surtout trop bête, trop injuste et même criminel que payer votre hospitalité en faisant courir à vous-même et aux vôtres un aussi grave danger. Vous avez ma parole.
    Ces quatre derniers mots lui avaient coûté infiniment plus que Thérèse ne l’imaginait car il brûlait de se jeter, sans plus attendre, sur la trace qu’il sentait si chaude encore de son ennemi princier et il craignait un peu que le côté bourgeois prudent de l’auteur dramatique ne l’incitât à faire traîner les choses au-delà du temps nécessaire. Mais il connaissait trop bien, à présent, les méthodes du comte de Provence pour comprendre quel grave danger couraient les Beaumarchais si celui-ci venait à avoir le moindre doute sur la réalité de sa mort. Qu’une imprudence lui apprît que Tournemine vivait caché rue Vieille-du-Temple et toute la maisonnée paierait très cher le refuge si généreusement accordé.
    Bon gré mal gré, il lui fallut s’intégrer à la vie d’une famille qu’il ne tarda pas à trouver charmante et ce fut le début d’une période où le confort de ses jours n’avait d’égal que l’inconfort de ses nuits hantées continuellement par l’ombre fragile de sa bien-aimée Judith. Des cauchemars horribles la lui montraient pleurant et se débattant aux mains de démons qui avaient tantôt le visage de Monsieur et tantôt celui de son astrologue. Parfois, le désir sans cesse grandissant qui le tenaillait le faisait plonger en un rêve délicieux : Judith était près de lui, dans ses bras, elle l’enveloppait de ses cheveux de flamme et il pouvait sentir la douceur de sa peau contre la sienne. Il entendait battre son cœur sous ses lèvres et aussi le doux halètement de biche forcée qu’elle avait au moment où, noyée de caresses, elle s’ouvrait pour lui… et puis le rêve basculait dans l’horreur. Des mains énormes lui arrachaient la jeune femme dont le murmure devenait sanglot, des mains noires et gluantes dont les doigts informes se traînaient comme des limaces sur ses seins, sur son ventre, qui broyaient son corps soyeux avant de le précipiter dans un abîme sans fond où il n’en finissait pas de tomber en tourbillonnant.
    De ces cauchemars, Gilles sortait bouleversé, trempé de sueur, épuisé, en criant la plupart du temps, pour trouver le visage inquiet de Pongo qui le secouait, penché sur lui.
    — Toi finir par te rendre malade, disait le brave Indien en allant chercher la tisanière que Thérèse faisait disposer dans toutes les chambres de sa maison et en l’abreuvant de tilleul auquel par la suite il ajouta un peu de pavot quand les assauts des mauvais rêves devinrent plus fréquents et plus cruels.
    Heureusement, entre ces mauvaises nuits, il y avait les jours dont les couleurs étaient infiniment plus douces car on était très bien chez les Beaumarchais… Il y avait Pierre-Augustin, d’abord et, à vivre auprès de lui, le fugitif constata bientôt que la renommée dessine parfois d’étranges images, bien différentes de la réalité.
    Peu d’hommes en France étaient aussi célèbres que le père de Figaro mais encore moins étaient aussi

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