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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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si tu as quelquefois employé la manière forte. Je ne l’ai pas compris et, à présent, je m’en repens amèrement.
    Gilles se mit à rire et haussa les épaules.
    — Repentir bien inutile puisque notre amitié sort indemne de tout cela et je n’ai rien à te pardonner car je te devais trop pour avoir seulement le droit de t’en vouloir. C’est à toi que je dois d’avoir retrouvé mon père et mon nom. Tu pourrais me tuer sans que je me reconnaisse le droit de te le reprocher.
    D’un même élan les deux amis tombèrent dans les bras l’un de l’autre puis se séparèrent. Fersen se perdit sous les arbres qui abritaient le sentier du bord de l’eau et au-delà desquels se montraient un grand toit en pente accompagné d’une belle cheminée. Gilles alla reprendre son cheval et sauta en selle avec une intense impression de soulagement.
    Avant de reprendre sa route vers Seine-Port, il jeta un dernier coup d’œil au bateau de la reine. Là-bas, dans la grisaille du petit matin, il émergeait de la légère brume qui montait de l’eau et amortissait ses rutilances. La pauvreté de la lumière lui enlevait son éclat et, sans l’agitation qui régnait à son bord, il eût pu passer pour le décor défraîchi de quelque opéra désuet. En bon Breton, Gilles avait détesté au premier regard ce bateau qui n’en était pas un, qui ne savait pas naviguer tout seul, auquel manquait l’envol des voiles ou les longues pattes des rames mais à présent, et bien qu’il eût perdu sa charge mortelle, il lui faisait horreur car il y voyait un symbole de futilité et de légèreté inadmissibles chez une femme investie, par le choix de Dieu et par celui des hommes, des graves obligations du pouvoir royal…
    Le galop à travers la campagne qui sentait bon la rosée du petit matin et la fumée des feux qui avaient repris vie au vent des soufflets vigoureusement actionnés lui rendit sa bonne humeur naturelle. Il avait mené à bien cette première mission d’ouvrier clandestin au service de son roi et il se sentait bien dans sa peau. Aussi, quand il arriva à l’embranchement du chemin de Nandy n’hésita-t-il pas une seconde à lancer son cheval dans la côte menant à certain pavillon de chasse ayant appartenu jadis, lui avait-on dit, au roi Louis XV qui, vu sa réputation, n’avait pas dû y tenir que des rendez-vous cynégétiques. La belle Anne de Balbi n’avait pas menti. Elle lui avait permis de sauver la famille royale et, même si quelques comptes restaient à régler entre eux, Tournemine admettait qu’elle avait bien gagné la bizarre récompense qu’elle s’était choisie.
    Il avait juré, d’ailleurs, et un homme d’honneur se devait de tenir sa parole…
    S’efforçant hypocritement de ne pas penser aux agréments que pouvait représenter une parole de cette sorte donnée à une fort jolie femme par un garçon jeune, naturellement ardent et à jeun depuis longtemps, le chevalier considéra un moment l’élégante construction et ses alentours qui étaient parfaitement déserts. Pas une âme, pas un chat n’apparaissaient sous les grands arbres qui cernaient le toit mais un panache de fumée légère sortant par une cheminée disait assez que la maison n’était pas vide.
    Après avoir attaché son cheval sous un auvent disposé à cet effet sur le côté, il alla vers la porte ornée d’un marteau de bronze ouvragé mais quand il voulut le soulever, il s’aperçut que la porte était seulement poussée. Il entra donc sans plus attendre.
    Connaissant bien la voluptueuse créature à laquelle il avait affaire, il s’était attendu vaguement au savant désordre d’une chambre aux lumières voilées, à un lit défait au creux duquel elle l’attendrait sans autre parure que ses cheveux dénoués et, peut-être, un soupçon de mousseline ou de dentelle, la chair déjà houleuse et les yeux noyés dans les prémices du plaisir. Or, il déboucha dans une sorte de grande cuisine-salle à manger fleurant bon le café fraîchement moulu et le poulet rôti.
    Un beau feu flambait sous le manteau de pierre de la cheminée, ornée d’images saintes et de fusils croisés, éclairant une table de ferme nappée de blanc sur laquelle étaient disposés auprès d’un couvert rustique, un gros pain rond, une motte de beurre fraîchement pressée, une jatte de lait et tous les éléments d’un repas confortable.
    Entre la table et la cheminée Mme de Balbi allait et venait, un tablier blanc

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