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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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conjure ! Nous risquerions de ne pas récupérer notre fils sain et vif.
    — N’ayez crainte, ma Mie, j’agirai avec grande prudence et vous ramènerai celui qui, me semble-t-il, est redevenu votre fils… Vif et libre ! J’en fais le serment à la Sainte Vierge. »
    Marguerite s’ococoula dans mes bras et daigna recevoir l’hommage d’une chaste poutoune. Sur le front. Puis, ô miracle, sur les lèvres.
     
    Je suis un être de lumière
    Qui, dans le sillon de mon erre,
    Peut étancher ta soif d’eau vive,
    Si m’amour, tu vois les rives.
    Force vive des âmes pures
    Qui brise tous les esprits impurs,
    Vrai symbole de l’innocence,
    Qui oublie la faiblesse des sens,
    Méprise la lâcheté et la trahison.
    Si tu veux donner à ta vie une raison,
    Accepte trop d’amour et trop de tendresse
    De celle qui t’en fait l’offrande et le don.
    Tu peux toujours pardonner la maladresse
    D’un cœur qui t’aime, s’il te paraît vraiment bon.
     
    Accepte encore ce modeste présent,
    Avant que ton âme s’envole dans le vent.

    Le lieu était sordide. Un maigre feu crépitait dans l’âtre de la cheminée. L’atmosphère empestait. Des effluves de vin se mélangeaient à des relents d’oignon, à vous donner la nausée. Le sol en terre battue était dur, bosselé, inégal et craquelé par endroits.
    Les sièges, des tabourets, quelques bancs sans dossier étaient disposés sans aucun ordre, de-ci de-là, bancals comme les tables. Comme le tavernier qui claudiquait d’une jambe sur l’autre. Sa mine renfrognée n’inspirait qu’une confiance limitée. Encore un qui n’aimait pas le métier qu’il exerçait.
    Le regard humide des yeux globuleux qu’il posait furtivement sur ses convives témoignait du sens de l’accueil qu’il réservait dans son coupe-gorge. Le visage couperosé, la lippe arrogante et baveuse, les lobes des oreilles, qu’il avait grandes et écartées comme un chou-navet, pendaient lamentablement le long de ses bajoues sans avoir l’élégance de celles d’un chien des Pyrénées.
    Ils étaient là, tous les douze. Huit archers gallois et quatre sergents aux armes écartelées de France et d’Angleterre. Ceux que j’avais pistés depuis le matin. Je savais qu’ils me mèneraient au camp que le prince de Galles, Édouard de Woodstock, avait dressé pas très loin. Sans que je pusse le localiser. Attablés devant une marmite tripode de soupe à l’oignon, bien fumante. Ils avaient rapproché deux tables, bout à bout, tant bien que mal.
    L’un d’entre eux, le grand dégingandé, était assis sur le coin de l’une des tables. Il porta à haute voix une santé à leur roi Édouard et au prince de Galles. Il vida sa pinte cul sec. Le rouge délicat d’un vin de Loire dégoulinait autour de la commissure de ses lèvres, maculant les léopards d’Angleterre (ce n’était pas grave) et souillant les lys de France qu’il arborait sur sa cotte d’armes (c’était plus gênant). Le petit, le gros, le rouquin et le chauve levèrent leur godet.
    Quatre autres roulaient les dés qu’ils avaient sortis de leur poche et jetaient quelques pièces de menue monnaie sur la table. Les enchères montaient. Ils surenchérissaient en s’administrant de fortes claques dans le dos avec des jappements de chien qui aboient dans un patois mâtiné d’anglais et de français : «  Godam, Saint-George ! »
    Ils étaient heureux, les Godons. Le vin et la cervoise coulaient à flot. Dans leur gosier aussi. Dans leur gosier surtout. Tant mieux. D’ici une heure ou deux, ils seraient bien mûrs et mon travail n’en serait que plus aisé.
     
    Je me faufilai le plus discrètement possible entre les tables et les sièges inoccupés, et posai mes fesses dans le coin le plus reculé et le plus sombre de la taverne. Près de la porte d’entrée. À un endroit d’où je pouvais suivre leur beuverie tout en guettant les faits et gestes d’un autre convive sagement assis dans un angle opposé au mien.
    Personne ne semblait avoir remarqué ma présence. Mon mantel était d’une couleur noire qui ne dénotait pas sur les murs crasseux et enfumés de la taverne. J’en délaçai la ceinture et posai le tout sur un tabouret, à portée de la main.
    L’inconnu était vêtu d’un mantel et d’une capuche assez semblables aux miens, qu’il avait cependant gardés sur les épaules et sur le chef.
    Il tranchait silencieusement quelques petits morceaux de lard que des mains larges et fortes

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