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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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Teuton, en jetant un dernier regard sur les corps desfaciés et descharpis.
    — Seriez-vous peu goûteux de leur fleur, messire von Forstner ? L’ail et l’oignon sont recommandés par tous nos mires, en Aquitaine. Ils occisent les mauvaises humeurs qui grouillent dans les boyaux, flattent le sang dans les veines-artères, parfument l’haleine d’une odeur forte et puissante qui chasserait les mouches à dix coudées ! Nos ennemis eux-mêmes en sont friands.
    —  Ach, oui, j’ai appris cela. Plus friands que des cuisses de grenouilles, même si elles sont poêlées à l’ail et au persil ! Nicht war ? Les Holzköpfe, les Têtes de bois, vous ont donné ce surnom. Le saviez-vous ? Die fressende Froschschenkels. Les bouffeurs de grenouilles !
    — Non, je l’ignorais ; mais permettez-moi une précision : nous disons Têtes de bûche, et non Têtes de bois. Nous affublons les Anglais de ce sobriquet. Têtes de bûche et non Têtes de bois !
    — Et pourquoi Têtes de bûches  ? s’enquit le jovial chevalier teutonique.
    — Parce que nous prenons grand plaisir à les fendre et à les pourfendre ! À la hache !
    —  Ach, je vois. L’humour français, natürlich  ! Je comprends. Vous avez vu, je sais manier la hache et le morgenstern ! Pas seulement la lance épointée, en tournoi. Les armes d’hast aussi. Voulez-vous une démonstration ? me demanda-t-il, en tournant sur lui-même à la recherche de ce type de lance et en simulant de vastes et amples mouvements des bras et des mains.
    — Non, messire Wilhelm, ce ne sera pas nécessaire, je crois. Vous fûtes magnifique, tourbillonnant et caployant de remarquable façon. Vous avez fait grand foison de ces ribauds. Une véritable guerre éclair.
    —  Ja, eine richtige Blitzkrieg ! Das war !
    — Ce fut cependant, permettez-moi de vous le dire, une bien inopportune initiative de votre part, messire chevalier.
    « Je suivais, depuis ce matin, ces soudoyers pour les captura vifs avant de les déciper ; car, voyez-vous, ils ont enlevé mon fils aîné, Hugues Brachet, avant de bouter le feu à notre manoir. L’un des chevaliers et l’un des écuyers de ma maison ont été gravement blessés pour avoir opposé vaine résistance à leur venue.
    « Votre générosité, je vais la bailler cher : leurs compains seront à l’arme dès que ceux qui se sont enfuis les auront rejoints Ils lèveront le camp pour rejoindre le gros de la bataille et pourraient bien occire mon fils chéri ! m’emportai-je en mesurant peu à peu les conséquences de cette Blitzkrieg. »
    Le Teuton ne dit rien. Il me darda de ses yeux gris-bleu, devenus plus bleus que gris, l’air chafouin. Puis il me passa le bras sur l’épaule et m’invita à lever le chef, plutôt que de regarder mes bottes, sur lesquelles il crût de bon ton de me faire compliment alors qu’une folle inquiétude me gagnait.
     
    Quatre des cinq Godons qui avaient échappé à la furie du chevalier teutonique, jonchaient le sol, devant la taverne.
    Le cinquième, la jambe ouverte jusqu’à l’os, se tordait de douleur, les mains sur la plaie.
    J’étais fol d’inquiétude. Je vis mon fils égorgé par les coutiliers anglais. Notre fils, le jumeau de Jeanne. L’héritier des biens de mon épouse. Notre fils aîné en qui, avec moult maladresses, je limitais tant d’espoir.
    Des remords me saisirent la gorge et un cri, un cri de désespérance s’en échappa. Après le décès de Louis, notre vie basculerait avec la mort d’un deuxième de nos enfants. Marguerite ne me le pardonnerait jamais. Moi non plus. Mais que pouvais-je faire à présent ? Tirer l’épée contre ce magnifique chevalier ? L’accabler de reproches ?
    Je fus à deux doigts de desforer et de provoquer le Teuton en un combat singulier. Jusqu’à ce que la mort s’en suive pour l’un de nous deux.
    Je levai les yeux. Ils étaient plus brillants que d’habitude. Deux cavaliers se tenaient droits sur les arçons, à trente pas, capés dans un gris mantel à la croix de sable, passé sur un haubert de triples mailles qui les moulait du camail jusqu’aux solerets. Immobiles, sur des roucins à l’arrêt. Le heaume d’une main, les brides de l’autre.
    « Messire Bertrand, je sens grand désarroi en vous, noble et légitime inquiétude. N’ayez crainte. Votre petit Hugues, Hugues Brachet de Born ? est entre de bonnes mains. Puis-je vous présenter meine Sariantbrüder, mes frères-servants en notre

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