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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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tombe.
    Il était grand temps que je sollicite une nouvelle audience de l’évêque de Sarlat, dont je retardais de jour en jour le moment fatal. Avant que je ne sois accusé derechef de ce crime crapuleux, arrêté par le prévôt et desferé devant le tribunal qui jugeait en les affaires criminelles, mis au pilori avant d’être roué et pendu sur l’un des gibets ou enfermé dans un sac solidement cousu, et jeté dans la Cuze.
    Le pire supplice pouvait être aussi l’écartèlement qui me priverait de la suscitation, un corps démembré étant condamné à errer pour l’éternité dans les enfers.

    L’entretien fut houleux. Et c’est un euphémisme. Il fut bien pire que ce que je redoutais. Ma vie se joua ce jour-là à pile et croix. Elie de Salignac rentra dans une grande colère, m’invectiva et m’accabla de mots indignes d’un prélat. Son neveu était grièvement blessé et je ne rapportai pas les saintes reliques.
    L’évêque avait déjà été informé de la pendaison mystérieuse du pauvre homme de Roc-Amadour. Il me menaça de me faire arrêter par le prévôt sur le champ et de me soumettre à la question, si je n’avouais pas avoir été l’auteur de ce crime sordide que j’aurais commis pour ne pas avoir à lui remettre les précieuses fioles.
    En vérité, j’avais l’intime conviction qu’il n’en croyait pas un mot, prêchant une nouvelle fois le faux pour m’extorquer le vrai sous menace de mort.
    De sorte que, loin de me démonter, je le menaçais à mon tour de faire appel devant le Conseil du roi de tout jugement ignominieux qui pourrait être prononcé contre moi par le tribunal de Sarlat.
    « Et quand bien même j’aurais avoué sous la torture, je me rétracterais !
    — Vous seriez relaps et conduit sur le bûcher !
    — Ainsi que l’on fit pour le grand maître du Temple, Jacques de Molay ?
    — Nous nous égarons, messire Brachet, nous nous égarons… »
    Et de lui exposer les deux raisons évidentes pour lesquelles on ne pouvait faire accroire que j’avais été l’auteur de ce crime. Une majeure et une mineure :
     
    I. Parmi la foule considérable des pèlerins qui s’était rassemblée pour la Fête-Dieu, comment prouver ma culpabilité ? Je pouvais faire citer plusieurs témoins qui auraient esté qu’ils ne m’avaient pas quitté d’une semelle (ce qui était évidemment un vrai mensonge dont il ne fut probablement pas dupe, puisqu’il ne manifesta pas le désir de m’entendre en confession).
    II. Quel intérêt aurais-je eu à ne pas lui rapporter les fioles que je devais lui livrer pour le prestige de notre cathédrale et le sien, en échange des magnifiques informations qu’il m’avait promises sur Arnaud de la Vigerie ? Mon seul espoir de retrouver la trace de ma sœur et de tendre à icelui le piège que je préparais de longue date pour livrer à Son Excellence le plus grand criminel que la terre ait connu.
     
    Alors, s’il voulait s’assurer que les tourmenteurs de sa chambre de torture n’avaient point perdu la main, il pourrait toujours leur livrer mon ancien compain d’armes qui ne manquerait pas d’avouer ses crimes et l’usage qu’il avait fait de la fiole qu’il avait soustraite, Famagouste, de la boîte à messages que portait l’Aumônier général de la Pignotte, le père Louis-Jean d’Aigrefeuille !
    De surcroît, n’était-il pas possible qu’Arnaud de la Vigerie fut le commanditaire du meurtre du sacristain ? N’aurait-il pas chargé un homme de main de cette sale besogne pour mettre la main sur les deux autres fioles ? Trop de monde savait que nous préparions, dame Marguerite et moi, un pèlerinage et le bruit ne serait-il pas parvenu à ses oreilles ? Son Excellence ne m’avait-elle pas dit elle-même que le mal rôdait autour de moi ? Ou alors, était-il impossible qu’un espion se soit glissé dans mon entourage ?
    Le doute s’insinuait lentement dans le chef de l’évêque. Il objecta mollement que, si tel avait été le cas, le meurtrier du sacristain aurait pu attendre que je récupère moi-même les fioles pour s’en saisir sur ma personne.
    Je lui répondis tout à trac que seul un échelon de cavalerie aurait pu venir à bout de mon escorte composée de l’élite de mes sergents et de mes archers montés, ce qui me paraissait bien peu vraisemblable de la part de quiquionques agiraient dans la plus grande discrétion.
     
    Pendant plus d’une heure, je dus me prêter au jeu des

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