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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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étroites, pentues, tortueuses, sombres et grasses, nous atteignîmes enfin la place de la cathédrale Saint-Sacerdoce, magnifiquement pavée. Le poumon de la cité consulaire, ou plus exactement son cœur, qui drainait les plus grandes richesses et les redistribuait dans les faubourgs pour les besoins quotidiens. Et plus loin pour les besoins de leur commerce.
    Une armée de serviteurs s’activait tous les matins, qu’il pleuve ou qu’il vente. Ils rejetaient boue et salissures dans le caniveau central à grands coups de balais formés de petits fagots de branchages liés autour d’un manche.
    Tout autour de la place, on ne voyait que de belles demeures construites selon le goût et l’opulence de chacun, adossées les unes aux autres quand elles ne s’écartaient pas pour laisser passage à une étroite ruelle. Les rez-de-chaussée en pierre étaient surplombés par un ou deux étages posés sur des corbeaux de bois garnis de colombages richement sculptés et de torchis passés à la chaux. Ici résidaient et commerçaient les maîtres-artisans des corps de métier les plus prestigieux : drapiers, tisserands, tapissiers, enlumineurs, parcheminiers, orfèvres, parfumeurs, et bien d’autres encore.
    Les plus matinaux avaient déjà ouvert comptoir. Ici, l’apothicaire que Marguerite fréquentait avec assiduité, ou son commis, broyait avec pilon et pilettes de savants mélanges dosés sur des trébuchets dans des demi-coquilles d’œuf.
    Là, un épicier soulevait les couvercles de vasques remplies de noix de muscade, de clous de girofle, de cubèbe, de graines de séné ; un parfumeur brûlait de l’encens dans de petits pots en terre cuite pendant qu’il étalait des fioles d’essence de thym, de romarin, de fougère, d’où s’exhalaient des senteurs aussi suaves et douces que celles que nous avions fleurées, Arnaud et moi, en l’île de Chypre, dans le quartier marchand de Nicosie.
     
    À l’évêché, un clerc nous fit savoir que monseigneur Elie de Salignac prenait quelque repos estival bien mérité en ses résidences d’Issigeac ou en son château de Boussieyal, près le village d’Allas-l’Évêque. Le calme, la campagne, les bois… étaient bonne médecine pour notre prélat sur les épaules duquel pesaient les charges écrasantes d’un immense diocèse, crut-il bon de justifier. Et consultant le registre des audiences sur lequel il ne manquerait pas d’inscrire mon nom, il me pria de revenir pour la saint Michel {38} . De forte méchante humeur, je le remerciai sèchement.
    Nous sautâmes à cheval, avec Onfroi de Salignac et Guilbaud de Rouffignac, franchîmes les portes de la Grande-Rigaudie.
    La muraille qui jouxtait l’abbaye et fermait la partie des remparts sise derrière la cathédrale Saint-Sacerdoce, entre la place du Peyrou et la Grande-Rigaudie, avait été mise à mal à la suite d’intempéries quelques années plus tôt.
    Mes écuyers, n’étaient pas venus en la ville consulaire depuis fort longtemps. Ils s’étonnèrent qu’elles fussent déjà consolidées. Je leur expliquai que les consuls avaient aussitôt imposé une contribution aux habitants pour la reconstruire. Ils avaient cependant eu la sagesse de faire porter requête au roi aux fins d’alléger le fardeau dont ils étaient redevables.
    Par lettres patentes en date du 17e jour du mois de mai, le roi Philippe de Valois avait accepté, «  en considération des bons services que lui avaient fait en ces guerres ses amis les consuls et les habitants de sa bonne ville de Sarlat , et des grandes pertes et dangers qu’ils avaient eus et soutenus à cause d’icelles, leur remettait et pardonnait la tierce partie du subside qu’ils lui étaient tenus de faire à cause de ces dites guerres. »
    De sorte que depuis un an ou deux, les murailles étaient derechef solidement remparées. Ce qui n’empêchait pas le faubourg de puer autant que la Cuze qui charriait, plus loin, des déchets de toutes sortes, des excréments, des animaux crevés.
    Des mendiants, accroupis dans un recoin qui empestait des odeurs d’orine, psalmodiaient ou demandaient charité en agitant une escarcelle. J’y lançai quelques sols.
    Nous traversâmes le quartier des équarrisseurs, des écorcheurs, des tanneurs où régnait une activité fébrile. Les effluves nauséabonds qui s’en dégageaient nous saisirent la gorge mais ne semblaient plus en incommoder d’autres que nous.
    Nous lançâmes nos chevaux au galop. Ils avaient

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