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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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enfui en oubliant ce magnifique objet. L’assassin avait signé son crime. Il cherchait autre chose. Les fioles ? Un meurtre, oui, assurément ! Mais commis par quel assassin ?
    N’étant plus à un sacrilège prêt, je l’ouvris. Il contenait, sur un morceau de parchemin, deux sceaux : celui de Pierre Tison, évêque de la cathédrale Saint-Front, à Pierreguys, et un petit sceau qui, d’après le meuble qui l’ornait, pouvait être celui d’un maître maçon ou d’un tailleur de pierres.
    Ce sceau, je le reconnus incontinent. C’était le même que celui que notre tailleur de pierres avait apposé sur la clef de voûte de la Grand’salle de notre château de Rouffillac, six mois plus tôt.
    Il me parut évident que le maître, dont les manouvriers avaient taillé les blocs qui avaient permis d’édifier les nouveaux ramparts et les portes de la cité sainte, était le même que celui qui avait restauré récemment la cathédrale Saint-Front. Il parachevait actuellement la consolidation des murailles de mon château.
    L’espoir d’une piste, d’une piste sur le nouvel emplacement des fioles. Une bien maigre piste, toutefois. Je ne tarderais pas à être fixé.
     
    Mon Dieu ! Où m’avait mené ma quête du Graal ? De quelle boîte de Pandore avais-je soulevé le couvercle, dans ce songe, par une nuit enneigée du mois de janvier de l’an de grâce 1345, pour que mon chemin soit jalonné de tant de crimes ?

    Marguerite priait encore dans la chapelle Notre-Dame. Quelques sergents d’armes m’attendaient sur le parvis. Ils trouvaient le temps des prières un peu long. Aussi blanc que le saint Suaire, je me dirigeai derechef vers ma tendre mie, posai une main sur son épaule et l’invitai à raccourcir ses oblations.
    Nos hommes d’armes se signèrent et nous emboîtèrent le pas. Dans ma hâte de plier baguage et de regagner nos demeures du Pierregord, je descendis les deux cent seize marches, quatre par quatre, oubliant toute entorse et toute douleur au côté.
    Nos deux écuyers devaient nous avoir rejoints au pied des marches. Ils avaient reçu mission de nous amener mon palefroi Éclair, frère de mon destrier Éclat d’Orient, et la jument haquenée de Marguerite, pour le chemin du retour, le lendemain à la première heure. Serpentin, notre âne, nous attendait docilement, les oreilles dressées et bien bâté.
    Mais d ’ écuyer, il n ’ y en avait point. La nuit tomberait bientôt. J ’ avais grande hâte à quitter les remparts de Roc-Amadour avant que les rochers auxquels la cité était agrippée ne nous engloutissent dans une avalanche de roc, de sang et de feu. Avant que l ’ on ne découvrît le corps du pauvre homme pendu dans la sacristie de la chapelle de la Vierge. Un autre innocent dont j ’ avais abrégé les jours en lui confiant mes fioles.
     
    Je laissai libre cours à un mouvement de colère. J ’ explosai   :
    «   Mais où sont donc passés ces vaunéants   ? Auraient-ils été retardés en chemin par quelques folieuses en leur bordeau   ? Il n ’ y en a point tant que ça, pourtant, sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle   ! Sont-ils en train de lancer les dés dans une taverne ou d ’ y faire ripaille   ?
    «   René   ! René, mais où es-tu bon Dieu   ?   »
    Un attroupement s ’ était formé devant l ’ hôpital Saint-Jean. J ’ écartai les badauds.
    Un cheval gisait, les naseaux dilatés, l ’ écume aux lèvres. Le cavalier avait crevé son coursier sous lui. Quel imbécile   !
    Je huchai à gueule bec   :
    «   René, par Notre-Dame Brachet, vas-tu venir à la parfin   ?   »
    J ’ entendis le bruit d ’ un cheval au galop en provenance de la porte du Figuier. Les sabots martelaient les pavés au risque de perdre un fer. Les niquedouilles, la Fête-Dieu leur aurait-elle fait perdre la tête   ?
    Je priai un palefrenier qui caressait l ’ encolure du cheval à l ’ agonie d ’ aller quérir un équarrisseur sur le champ. Il larmoya pour me dire que tous les corps de métier, à cette heure, avaient fermé boutique et qu ’ il faudrait attendre le lendemain pour mettre fin aux souffrances de l ’ animal.
    Je m ’ approchai. Le fier destrier avait perdu trois fers. Ses membres antérieurs et postérieurs étaient tellement gonflés que je ne le reconnus pas de sitôt. Mais cette selle, ces arçons…
    «   Par le Sang-Dieu, ce n ’ est pas possible   ! m ’ écriai-je.
    Le destrier d ’ Onfroi de Salignac 

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