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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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troisième tentative, la lame se brisa mais la porte bailla.
    Je plongeai la main à l’intérieur. Point de fioles !
    De quoi s’émouvoir, me direz-vous ? Eh bien, non. Je ne le fus point, car les fioles de Joseph Al-Hâkim, devenu frère Joseph de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, ne devaient pas s’y trouver {47} . Pensez, tant de messes étaient célébrées ! Tant de burettes remplies, bues et rangées ! La cache aurait pu être découverte. Et si l’une ou l’autre des fioles renfermait le Mal noir… alors n’importe qui aurait pu les boire ou en verser le contenu dans une burette.
    Je poursuivis mon exploration à la recherche de l’écrit où le saint homme m’avait dit déposer le message qui m’indiquerait où il avait caché les fioles. D’icelle façon, il pouvait en changer remplacement à tout moment si, par prudence, il le pensait nécessaire, et j’en serais averti.
    Rien.
    Je farfouillai en tous sens.
    Rien. Toujours rien.
    La cache était vide. Désespérément vide.
    Je balayai la pièce des yeux. Je n’y voyais goutte. Je pris une bougie, en affouai la mèche. La cire coula et me brûla les doigts. Je serrai les dents. Une tenture pendouillait, non loin. Je l’écartai d’un geste trop vif qui m’arracha un gémissement de douleur.
    Et un cri de consternation.
    Je ressortis précipitamment de la sacristie. Marguerite priait toujours, les yeux fermés. Personne ne semblait m’avoir entendu. Je repartis sur la pointe des sandales et refermai tout doucement la porte. Dans le silence des cierges et des âmes trépassées. Dans le silence des défunts.
     
    Car, de défunts dont les âmes soupiraient au-dessus de nos têtes, il y en avait un de plus. Le vieux chevalier, compain d’armes de feu mon père, avait lui aussi passé les pieds outre. Passé les pieds outre est une expression impropre. Il était suspendu derrière la tapisserie, proprement sorçaint par le col à une corde fixée à un crochet, la langue sortie, les yeux révulsés.
    Je dérapai sur une flaque qui ne pouvait être que d’orine. Le pauvre homme avait été étranglé. Son corps était encore tiède. Je ne connaissais rien à la physique des corps, mais me gardai bien de troubler le recueillement de mon épouse.
    L’homme était mort. Bien mort. De sa bouche ne sortait plus aucun souffle. Il n’y aurait point de suscitation. Sauf un miracle. Et le miracle ne se produisit pas. Je me signai et posai la bougie dont la cire dégoulinait le long de mes doigts sans que j’en ressentisse maintenant l’atroce brûlure.
    Nous aurait-on suivis de loin pendant notre pèlerinage ? Personne ne connaissait les relations qui nous avaient unis. Personne. Je ne sentais aucune présence, aucune menace et n’entendais aucun bruit. À part moi, il n’y avait âme qui vive.
    Les doigts de l’une de ses mains, décharnés et blanchis jusqu’à l’os, étaient crispés autour de la corde qui enserrait son col en une vaine tentative pour en desserrer le mortel étau.
    Le vieux chevalier s’était-il donné la mort pour une raison inconnue ? S’était-il infligé l’ endura à la manière des hérétiques albigeois ?
     
    Sur le point de renoncer à poursuivre ces investigations macabres, un curieux détail attira mon attention : l’index de son autre main était dressé à dextre alors que les doigts étaient repliés, les ongles enfoncés dans la paume. J’examinai cette curieuse contraction musculaire à la lumière vacillante de ma bougie.
    Avait-il voulu, dans un dernier sursaut de vie, désigner quelque chose ou quelqu’un ? Le doigt était roide, mais il n’y avait rien de particulier dans la direction qu’il désignait.
    Je me dis que le corps avait peut-être tourné autour de la corde lors de la pendaison. Cette hypothèse semblait confirmée par le fait que le malheureux n’était pas mort immédiatement, comme cela aurait été le cas si les spondilles cervicales avaient été rompues. Si on avait mis fin à son agonie en tirant violemment son corps par les chevilles, par exemple.
     
    En me signant une nouvelle fois, je fis tout doucement tourner le corps du malheureux bonhomme autour de l’axe du gibet improvisé.
    Non. L’index ne désignait rien. Rien qu’un calice renversé sur le sol. Un calice richement sculpté et serti de moult pierres précieuses. Le mobile du crime ne pouvait être le vol : un larron, en quête de larcin, surpris dans la sacristie, ne se serait onques

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