Le Troisième Reich, T1

jusqu'à
un point où tous accepteraient docilement la dictature nazie et sa barbarie.
Aux yeux d'Hitler, comme il l'avait publiquement déclaré mille fois, les Juifs
n'étaient pas des Allemands, et, bien qu'il ne les exterminât pas tout de suite
(quelques-uns seulement — quelques milliers — furent dépouillés, battus ou tués
durant les premiers mois), il promulgua des lois leur interdisant l'accès du
fonctionnariat, des universités et des professions libérales. Et, le 1er avril
1933, il proclama un boycott national des magasins juifs.
    Les hommes d'affaires, qui avaient vu avec tant d'enthousiasme
l'écrasement de ces gênants syndicats, constataient maintenant que les nazis de
l'aile gauche, ceux qui croyaient véritablement au socialisme du parti,
s'efforçaient de s'emparer des associations du patronat, de détruire les grands
magasins et de nationaliser l'industrie. Des milliers de nazis déchaînés firent
des descentes dans les entreprises qui n'avaient pas soutenu Hitler, menaçant,
dans certains cas, d'en faire décréter la saisie et, dans d'autres cas,
exigeant des emplois bien rémunérés à la direction. Le docteur Gottfried Feder,
un charlatan de l'économie, insistait maintenant pour que l'on réalisât le
programme du parti : nationalisation des grandes affaires, partage des
bénéfices, abolition des revenus ne correspondant pas à un salaire et « de
l'esclavage de l'intérêt ». Comme si ce n'était pas assez pour effrayer les
hommes d'affaires, Walther Darré, qui venait d'être nommé ministre de
l'Agriculture, terrifia les banquiers en promettant une grosse réduction dans
les dettes des fermiers et un abaissement du taux d'intérêt sur ce qu'ils
devaient encore atteignant 2 %.
    Pourquoi pas? Au milieu de l'été 1933, Hitler était le maître de
l'Allemagne. Il pouvait maintenant mettre en œuvre son programme. Papen, malgré
toute sa ruse, était resté sur le sable, et tous les calculs qu'il avait pu
faire avec Hugenberg et les autres défenseurs de l'ordre ancien, qui
s'imaginaient que leur majorité de 8 à 3 dans le cabinet contre les nazis leur
permettrait de contrôler Hitler et même de l'utiliser pour leur politique
conservatrice, tous ses calculs s'étaient trouvés déjoués. Lui-même avait été
évincé de son poste de premier ministre de Prusse et remplacé par Goering.
Papen restait vice-chancelier dans le cabinet du Reich, mais, comme il l'avoua
tristement par la suite, « cette position se révéla anormale ». Hugenberg,
l'apôtre des affaires et de la finance, était parti, son parti dissous.
Goebbels, le troisième homme du Parti nazi, était entré dans le cabinet le 13
mars en qualité de ministre de la Propagande et de la Culture populaire. Darré,
considéré comme un « radical », comme Gœbbels, était ministre de l'Agriculture.
    Le docteur Hans Luther, président conservateur de la Reichsbank,
poste-clef du système économique allemand fut congédié par Hitler et expédié à
Washington comme ambassadeur. Le 17 mars 1933, le sémillant docteur Schacht,
ancien directeur de la Reichsbank et partisan dévoué d'Hitler, qui avait vu «
la vérité et la nécessité » du nazisme, vint le remplacer. Personne dans toute
l'Allemagne ne serait plus utile à Hitler pour édifier la force économique du
Troisième Reich et pour poursuivre son réarmement en vue de la seconde guerre
mondiale que Schacht, qui devint par la suite ministre de l'Économie et
plénipotentiaire général pour l'économie de guerre. Il est vrai que, peu après le
début de la seconde guerre mondiale, il se tourna contre son idole, finit par
donner sa démission, ou bien fut relevé de toutes ses fonctions et rejoignit
même les rangs de ceux qui conspiraient pour assassiner Hitler. Mais il était
alors trop tard pour changer le cours du chef nazi auquel il avait si longtemps
accordé son dévouement et prêté son prestige et ses incontestables talents.

 « PAS DE SECONDE REVOLUTION! »
    Hitler avait conquis l'Allemagne avec la plus grande facilité,
mais un certain nombre de problèmes se posaient encore quand survint l'été de
1933. Il y en avait au moins cinq principaux : prévenir une seconde révolution;
régler les relations difficiles entre les S.A. et l'armée; tirer le pays de son
marasme économique et trouver du travail pour les 6 millions de chômeurs;
obtenir l'égalité d'armement pour l'Allemagne à la Conférence du Désarmement à
Genève et accélérer le