Le Troisième Reich, T1
que la zone des Sudètes fût
immédiatement occupée par l'Allemagne. Le problème devait être «
complètement et définitivement résolu le 1er octobre au plus tard ». Il avait
sous la main une carte sur laquelle il désigna à son interlocuteur les
territoires qui devaient être immédiatement cédés.
« Ainsi, l'esprit rempli de sinistres pressentiments », comme il
le dit aux Communes, Chamberlain se retira sur l'autre rive du Rhin « pour
réfléchir à ce qu'il fallait faire ». Tout espoir semblait à peu près perdu ce
soir-là. Après que Chamberlain eut consulté par téléphone ses collègues du
cabinet et les membres du gouvernement français, il fut convenu que, Londres et
Paris informeraient le lendemain le gouvernement tchèque « qu'ils ne pouvaient
désormais plus prendre la responsabilité de leur conseiller de ne pas mobiliser [122] ».
Le soir, à dix-neuf heures vingt, le général Keitel téléphonait
de Godesberg au quartier général de l'armée : « La date du jour J ne peut
encore être précisée. Continuez préparatifs selon plan. Si le cas vert est mis
en application, ce ne sera pas avant le 30 septembre. S'il est appliqué plus
tôt, il sera sans doute improvisé (53). »
Car Adolf Hitler lui-même se trouvait en présence d'un dilemme.
Bien que Chamberlain l'ignorât, le véritable objectif du Führer, comme il
l'avait exposé dans sa directive de l'O.K.W. après la crise de mai, consistait
à « détruire la Tchécoslovaquie par une action militaire ». Le plan
anglo-français, que les Tchèques avaient déjà accepté, bien qu'à leur corps
défendant, non seulement donnerait à Hitler ses Allemands des Sudètes, mais
détruirait en réalité la Tchécoslovaquie, désormais privée de toute défense.
Mais le but ne serait pas atteint par une action militaire, et
le Führer avait décidé non seulement d'humilier le président Benès et le
gouvernement tchèque, qui l'avaient si profondément offensé en mai, mais de
démontrer la faiblesse des puissances occidentales. Pour cela, l'occupation
militaire était indispensable. Elle pourrait se faire sans effusion de sang,
comme dans le cas de l'Autriche, mais il fallait qu'elle se fît. Il devait
prendre au moins cette revanche sur les Tchèques, ces parvenus plein
d'arrogance.
Il n'y eut pas d'autre contact entre les deux hommes dans la
soirée du 22 septembre, mais le lendemain — la nuit porte conseil —, après
avoir passé le début de la matinée à faire les cent pas sur son balcon dominant
le Rhin, Chamberlain, après le petit déjeuner, s'assit à sa table pour rédiger
un message à Hitler. Il allait, écrivait-il, soumettre aux Tchèques les
nouvelles exigences allemandes, mais il ne pensait pas qu'elles seraient
acceptées. En réalité, il ne doutait pas que les Tchèques résisteraient
énergiquement à une occupation immédiate de leur pays par les troupes
allemandes. Mais, puisque toutes les parties en cause avaient admis le
transfert de la région sudète à l'Allemagne, il consentait à transmettre une
nouvelle proposition à Prague : les Allemands des Sudètes feraient eux-mêmes
régner la loi et l'ordre dans leur zone, jusqu'à ce qu'elle soit transférée au
Reich.
Hitler ne voulut pas entendre parler d'un tel compromis. Après
avoir fait attendre le Premier ministre pendant toute la journée, il répondit
finalement à sa note par une diatribe, pleine d'amertume, énumérant une fois de
plus tous les torts des Tchèques envers les Allemands, refusant à nouveau de
modifier sa position et concluant que la guerre « semblait maintenant probable
». La réponse de Chamberlain fut brève. Il demandait à Hitler d'exposer ses
nouvelles exigences par écrit « et d'y joindre une carte ». En sa qualité de «
médiateur » il se chargeait d'envoyer ces documents à Prague : « Je ne crois
pas pouvoir être utile à quelque chose en demeurant ici plus longtemps,
concluait-il. Je me propose donc de rentrer en Angleterre. »
Avant de partir, il repassa encore une fois le Rhin, pour se
rendre à l'Hôtel Dreesen , où il eut avec Hitler un entretien final qui
débuta à dix heures trente du soir, le 23 septembre. Hitler présentait ses
revendications sous forme d'un mémorandum accompagné d'une carte. Il fixait à
Chamberlain une nouvelle date limite. Les Tchèques devaient commencer à évacuer
le territoire cédé, à huit heures du matin, le 26 septembre — donc deux jours
plus tard — et cette évacuation
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