Le Troisième Reich, T1
devrait être achevée le 28.
« Mais c'est tout simplement un ultimatum! s'écria Chamberlain.
— Absolument pas », riposta Hitler.
Quand Chamberlain rétorqua que le mot allemand diktat s'appliquait à un tel document, Hitler répondit : « Ce n'est nullement un diktat .
Voyez, ce document porte le titre de mémorandum. »
A ce moment, un aide de camp apporta un message urgent pour le
Führer. Hitler y jeta un coup d'œil et le passa à Schmidt, qui servait
d'interprète : « Lisez donc ceci à M. Chamberlain. »
Schmidt obéit : « Benès vient d'annoncer à la radio la
mobilisation générale en Tchécoslovaquie. »
Pendant un moment, a raconté Schmidt, il régna dans la pièce un
silence de mort. Puis Hitler prit la parole : « Maintenant, bien entendu,
l'affaire est réglée. Les Tchèques n'ont pas la moindre intention de céder un
pouce de territoire à l'Allemagne. »
D'après les minutes de Schmidt, Chamberlain affirma que si. En
fait, une discussion passionnée eut alors lieu entre les deux hommes.
Les Tchèques ont mobilisé les premiers, dit Hitler.
Chamberlain démentit cette assertion. L'Allemagne avait mobilisé la première...
Le Führer nia que l'Allemagne eût mobilisé.
La conversation se poursuivit ainsi fort avant dans la nuit.
Finalement, après que Chamberlain eut demandé si le mémorandum allemand était «
vraiment son dernier mot » et qu'Hitler eut répondu par l'affirmative, le
Premier ministre répondit qu'il était inutile de poursuivre les conversations.
Il avait fait tout son possible, ses efforts avaient échoué. Il allait repartir
le cœur lourd, car les espoirs qu'il nourrissait en arrivant en Allemagne
étaient maintenant détruits.
Le dictateur allemand ne voulait pas que Chamberlain lâchât
l'hameçon. Il répliqua par une « concession ».
« Vous êtes l'un des rares hommes pour qui j'aie jamais fait une
chose pareille, dit-il avec désinvolture. Si cela peut vous faciliter la tâche,
je suis prêt à fixer une date unique, le 1er octobre, pour l'évacuation des
Tchèques. » Ce disant, il prit un crayon et changea lui-même la date. Bien
entendu, ce n'était nullement là une concession. Depuis toujours, le jour J
était le 1er octobre [123] .
Mais cette feinte semble avoir fait impression sur le Premier
Ministre. Selon Schmidt, il dit au Führer « qu'il appréciait vivement son geste
». Pourtant, ajouta-t-il, il n'était pas en mesure d'accepter ou de rejeter les
propositions, il ne pouvait que les transmettre.
Cependant la glace avait été rompue et quand ils se séparèrent,
à une heure trente du matin, les deux hommes, en dépit de tout ce qui s'était
passé, semblaient personnellement plus proches l'un de l'autre qu'ils ne
l'avaient jamais été depuis leur première rencontre. Quand ils se quittèrent,
je me trouvais à quelques mètres d'eux, bien placé pour les observer, dans la
loge du portier où j'avais installé un studio de radiodiffusion provisoire, et
je les vis échanger leurs adieux sur le seuil de l'hôtel. Je fus frappé par la
cordialité de leur attitude. Schmidt nota leurs paroles, que je ne pouvais
naturellement pas entendre :
Chamberlain prit cordialement congé du Führer. Il avait,
dit-il, l'impression qu'à la suite des conversations des jours précédents il
s'était établi entre eux des relations de confiance... Il ne renonçait pas à
l'espoir de surmonter les difficultés de la crise actuelle et il serait alors
heureux de discuter avec le Führer, dans le même esprit, les autres problèmes
encore en suspens.
Le Führer remercia Chamberlain de ses paroles aimables et
lui dit qu'il partageait ses espoirs. Comme il l'avait déjà plusieurs fois
déclaré, le problème tchèque une fois réglé, il n'aurait plus aucune exigence
territoriale à formuler en Europe.
L'assurance que le dictateur allemand renonçait désormais à
conquérir de nouvelles terres semble avoir également impressionné le Premier
ministre au moment de son départ car, dans le compte rendu qu'il fit devant la
Chambre des Communes, il affirma qu'Hitler s'était exprimé « avec une grande
conviction ».
Quand Chamberlain regagna son hôtel vers 2 heures du matin, un
journaliste lui demanda : « Monsieur le président, la situation est-elle
désespérée?
— Je ne peux pas dire cela, répondit le Premier Ministre, la
décision appartient maintenant aux Tchèques (55) ».
De toute évidence, il ne lui vint pas à l'esprit qu'elle
appartenait
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