Le Troisième Reich, T1
Dernières
mesures de mobilisation prises. Total des mobilisés selon les estimations : un
million; armée en campagne : 800 000 (62). » C'était le nombre des soldats
entraînés dont disposait l'Allemagne pour garnir deux fronts. Réunis, les
Tchécoslovaques et les Français l'emportaient en nombre sur les Allemands, par
plus de deux contre un.
En présence de ces faits et de ces événements, tenant sans doute
compte des paroles d'adieu de Wilson, du caractère de
Chamberlain et de son aversion profonde pour la guerre, Hitler s'installa dans
son bureau au début de la soirée du 27 septembre et se mit à dicter une lettre
pour le Premier ministre. Le docteur Schmidt, appelé pour la traduire en
anglais, eut l'impression que le dictateur reculait et n'osait « sauter le
dernier pas ». On n'a pu établir avec certitude si Hitler savait que l'ordre de
mobilisation de la flotte britannique serait donné ce soir-là. L'amiral Raeder
devait voir le Führer à dix heures du soir et il est possible que la marine
allemande ait eu connaissance de la décision anglaise, qui fut prise à huit
heures du soir et annoncée publiquement à 11 h 38, et dont Raeder aurait en ce
cas informé Hitler par téléphone. Quoi qu'il en soit, quand l'amiral arriva, il
demanda au Führer de ne pas déclencher la guerre.
Ce qu'Hitler savait parfaitement à ce moment-là, c'est que
Prague le bravait, que Paris mobilisait rapidement, que Londres se raidissait,
que son propre peuple était apathique, ses principaux généraux hostiles et que
son ultimatum relatif aux propositions de Godesberg expirait le lendemain à
deux heures de l'après-midi.
Sa lettre était admirablement calculée pour toucher Chamberlain.
Sur un ton modéré, il niait que sa proposition eût pour effet de « dépouiller
la Tchécoslovaquie de toute garantie d'existence » ou que ses troupes ne
s'arrêteraient pas à la ligne de démarcation. Il était prêt à négocier les
détails avec les Tchèques, à « donner une garantie formelle en ce qui
concernait le reste du territoire tchécoslovaque ». Si les Tchécoslovaques
résistaient, c'était tout simplement parce qu'ils espéraient, avec l'aide de la
France et de l'Angleterre, déclencher une guerre européenne. Néanmoins il ne
refermait pas brutalement la porte sur les derniers espoirs de paix.
Je vous laisse le soin de juger, concluait-il, si, en
considération de ces faits, vous estimez devoir poursuivre votre effort... pour
déjouer de telles manœuvres et ramener le gouvernement de Prague à la raison, à
la toute dernière minute (63).
LA ONZIEME HEURE
La lettre d'Hitler, télégraphiée d'urgence à Londres, parvint à
Chamberlain à dix heures trente du soir, le 27 septembre. Elle arriva à la fin
d'une journée chargée pour le Premier Ministre.
Les nouvelles inquiétantes que Sir Horace Wilson, arrivé à
Londres au début de l'après-midi, apportait à la suite de sa deuxième
conférence avec Hitler incitèrent à l'action Chamberlain et son cabinet. Le
gouvernement décida de mobiliser la flotte, de rappeler l'aviation auxiliaire
et de déclarer l'état d'urgence. Déjà l'on creusait des abris dans les parcs et
les places de Londres pour protéger la population contre les bombardements, et
l'évacuation des écoliers de Londres avait commencé.
Le Premier Ministre envoya également un message au président
Benès à Prague, l'avertissant que, d'après les informations reçues par lui à
Berlin, « l'armée allemande allait recevoir l'ordre de franchir immédiatement
la frontière tchécoslovaque si le lendemain (28 septembre), à quatorze heures,
le gouvernement tchécoslovaque n'avait pas accepté les conditions allemandes ».
Mais, ayant honnêtement prévenu les Tchèques, Chamberlain ne put s'empêcher de
les admonester dans la dernière partie de son message : « La Bohême, dit-il,
sera envahie par l'armée allemande et rien de ce que pourrait faire une ou
plusieurs autres puissances ne serait capable d'épargner un tel destin à votre
pays et à votre peuple. Ceci demeure vrai quel que puisse être le résultat
d'une guerre mondiale. »
Chamberlain rejetait donc la responsabilité du choix entre la
paix et la guerre non plus sur Hitler, mais sur Benès. Et il formulait, sur
l'aspect militaire de la question, une opinion que les généraux allemands
eux-mêmes, nous l'avons vu, considéraient comme peu fondée. Cependant,
ajoutait-il à la fin de son message, il ne voulait pas prendre
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